"Un message. Qu’attend-on d’autre de la vie ? Sinon qu’un jour elle nous fasse un signe" : ce sont les premiers mots du nouveau livre de Philippe Forest qui nous entraîne en Chine pour, peut-être, résoudre quelques énigmes de la vie. Depuis son premier roman, il y a 25 ans, il écrit à propos de la mort de sa fille et sur l’expérience du deuil. Et il dénonce ce qu’il appelle 'la religion de la résilience'.
Philippe Forest est écrivain, romancier et essayiste. Pi Ying Xi. Théâtre des ombres est publié chez Gallimard.
Depuis le décès de sa fille qui l’a poussé à écrire son premier roman en 1997, L’enfant éternel, il ne cesse de s’opposer à 'la religion de la résilience'.
"Ce qui me gêne dans ce que j’appelle la religion de la résilience, c’est cette pensée positive qui, d’une manière ou d’une autre, qu’elle l’avoue ou pas, vise à dissimuler, à effacer ou à amoindrir en tout cas la part du tragique dans notre existence."
Or, je pense que c’est seulement en se confrontant à cette dimension tragique de la vie qu’on a une chance, précisément, de pouvoir survivre autrement que sous la forme de cette conformité à une certaine norme que la société nous impose.
La religion de la résilience, c’est l’idéologie de la société néolibérale qui est désormais la nôtre, et à laquelle l’art, la littérature ou même chacun d’entre nous doit s’opposer s’il veut rester libre et fidèle à la vérité.
Il ne faut pas faire honte ou culpabiliser ceux qui sont confrontés à cette expérience du tragique. A l’époque du décès de sa fille, il y avait une injonction très forte, pour ceux qui avaient perdu un proche, et notamment un enfant, à faire son deuil. Comme si c’était un impératif à la fois moral, social et politique.
"Or il n’y a pas lieu de faire son deuil si faire son deuil veut dire substituer à la personne que l’on a perdue une autre personne dans laquelle on puisse investir son affection. […] On envisage les individus comme des biens susceptibles d’être produits, et réparés s’ils sont défectueux."
Il y a de l’irréparable dans la vie et il y a de l’irremplaçable chez ceux que l’on aime. Si l’on est susceptible de remplacer qui l’on aime, c’est que l’on n’aime pas vraiment.