La crise sanitaire et les confinements successifs nous ont amenés à diminuer drastiquement nos relations sociales et à voir potentiellement dans l’autre, uniquement un 'porteur de virus'. Avec à la clef, la tentation du repli sur soi. Mais ce phénomène sociétal est en réalité en germe depuis longtemps : burn-out, phobies sociales, phobies scolaires, addictions aux jeux vidéo… Sophie Braun, psychanalyste, nous encourage à trouver des ressources en nous pour renouer avec le goût des autres.
" Je ne parle pas seulement de l’isolement, mais de ce qu’il révèle : le retrait en soi dans un espace psychique intérieur minimal, si petit qu’il ne permet plus d’accueillir un autre être humain. Si la solitude peut être un ressourcement, l’isolement, lui est meurtrier. "
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Comme les hikikomoris…
Ce phénomène de repli sur soi apparaît dans diverses pathologies, mais n’est pas véritablement étudié en tant que tel. "Le fait qu’on lui donne différentes dénominations fait qu’on ne regarde pas le phénomène global et que, peut-être, on ne voit pas quelque chose, qui est en train de devenir inquiétant."
Le repli sur soi prend en effet différentes formes, comme les phobies scolaires, les phobies sociales, les burn out, ou encore diverses formes plus douces, par exemple pour des gens qui réussissent à travailler mais, une fois rentrés chez eux, restent cloîtrés toute la soirée et la nuit à regarder des séries en boucle, à jouer à des jeux vidéos ou à surfer sur les réseaux sociaux. Au Japon, le phénomène des hikikomoris, qui a débuté il y a 25 ans, suite à la terrible pression sociale, touche aujourd’hui entre 600 et 700 000 personnes, qui ne sortent plus de chez elles depuis des mois ou des années.
"Je pense que ce phénomène est en train d’arriver dans les pays européens, et qu’on ne le voit pas parce qu’on lui donne des dénominations différentes."
Sophie Braun a commencé la rédaction de son livre, sur base des témoignages de ses patients, il y a plus de 4 ans. Car bien avant le Covid, elle observait déjà des formes de repli sur soi inquiétantes. Le Covid n’a évidemment fait qu’accentuer ce processus.
Ce repli sur soi lié au covid touche les jeunes, mais aussi les adultes et les personnes âgées qui, pour certains, vont avoir beaucoup de mal à ressortir de chez elles, même vaccinées. Elles voient le monde comme de plus en plus toxique. Et comme on a de plus en plus de recours possibles pour rester confortablement chez soi au chaud : séries télévisées, livraison de repas à domicile, réseaux sociaux…, cela amplifie le mouvement.