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La Syrie de retour dans le système Interpol, à la grande crainte des opposants syriens

Le siège d’Interpol à Lyon.

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Par Daniel Fontaine

Cela faisait près de 10 ans que le régime syrien n’avait plus accès à la base de données d’Interpol, l’organisation mondiale de coopération policière. Damas vient de réintégrer le système d’échange d’informations basé à Lyon. C’est peut-être le signe d’un lent retour du régime de Bachar al-Assad dans les organisations internationales. Cette normalisation inquiète les opposants et réfugiés qui craignent d’être pourchassés à l’étranger.

Interpol avait adopté des "mesures correctives" contre la Syrie en 2012. L’antenne de Damas (son "Bureau central national") avait été déconnectée du système d’échanges d’informations entre les États membres d’Interpol. Ce système permet aux États de communiquer entre eux sur les questions policières. Il permet aussi de lancer une "notice rouge": une demande de localisation et d’arrestation d’un individu.

Damas a de nouveau accès au système

Depuis 2012, les communications émises par Damas arrivaient au secrétariat général d’Interpol. Il ne les transférait aux destinataires que si elles respectaient les règles en vigueur. Le suivi de ces messages a poussé le secrétariat à recommander de réintégrer la Syrie dans le système. Le comité exécutif d’Interpol a récemment décidé de lever les "mesures correctives". Damas a de nouveau accès à cet outil très puissant : il peut demander des arrestations et échanger des messages sécurisés avec d’autres pays membres.

Des défenseurs des droits humains ont immédiatement manifesté leur inquiétude. C’est un "développement dangereux", estime Sara Kayyali de Human Rights Watch. Elle souligne que par le passé, certains gouvernements ont détourné l’usage des notices rouges pour obtenir des arrestations politiquement motivées.

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Le Conseil de l’Europe lui-même s’était inquiété il y a quelques années de l’usage croissant de cet outil par les régimes autoritaires pour traquer des opposants politiques réfugiés à l’étranger. Du côté d’Interpol, on tente de rassurer en soulignant que le statut de l’organisation interdit "toute activité ou intervention dans des questions ou affaires présentant un caractère politique, militaire, religieux ou racial".

La traque des terroristes

Certains pays ont-ils souhaité cette réintégration de la Syrie dans Interpol pour faciliter les enquêtes sur les combattants étrangers toujours présents sur le territoire syrien ? C’est ce que suggère Spoutnik, le média proche du Kremlin, principal défenseur du régime syrien. "La Syrie pourra en profiter pour collaborer avec des services de renseignement étrangers dans la traque de terroristes sur son territoire", écrit Spoutnik.

Les liens avaient été rompus en raison du caractère extrêmement répressif du régime, qui considère comme "terroriste" tout mouvement de revendication démocratique. Il va désormais pouvoir "suivre les opposants recherchés par les services de sécurité", explique un officier syrien dissident au journal Al-Quds Al-Arabi.

Pas d’arrestation automatique

L’envoi d’une notice rouge n’entraîne cependant pas automatiquement l’arrestation de la personne signalée dans le système mondial. Comme l’explique Interpol lui-même, "chaque pays membre décide de la valeur juridique à accorder à une notice rouge et d’habiliter ou non ses services chargés de l’application de la loi à procéder à des arrestations dans ce cadre".

On peut supposer que les pays occidentaux y regarderont à deux fois avant d’arrêter un Syrien recherché par son pays. Les Syriens réfugiés dans des pays de la région pourraient avoir plus à craindre. Mais des arrestations contestables se sont aussi produites en Europe. Un opposant kazakh avait par exemple passé trois ans et demi en prison en France, avant que le Conseil d’Etat ne reconnaisse que la notice émise contre lui par Moscou poursuivait un but politique.

Ne pas normaliser les relations

La France a fait savoir qu’elle reste "opposée à la normalisation des relations avec Damas et à tout allègement du dispositif de sanctions", tant que le régime alimentera l’instabilité et le risque terroriste. Paris fera connaître officiellement cette position à la prochaine assemblée générale d’Interpol en novembre.

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