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La souveraineté européenne, victime collatérale du faux pas diplomatique d'Emmanuel Macron ?

L'oeil sur l'Europe

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Par Olivier Hanrion via

La souveraineté européenne, c'est cette petite musique que l’on entend de plus en plus souvent en Europe et que la visite d’Emmanuel Macron en Chine a remis dans toutes les oreilles. On l’entend tellement dans la bouche des dirigeants européens que c’est presque devenu un refrain qui revient qui se retient comme une chanson populaire… mais dont personne ne comprend les paroles… Il y a deux ans la fondation Jean Jaurès et la fondation Friedrich Ebert, deux centres d’études de la mouvance sociale-démocrate, ont sondé les Européens pour savoir ce qu’ils comprenaient quand ils entendaient parler de souveraineté européenne. Ce qu’il en est ressorti, c’est que tout le monde était plus ou moins d’accord pour la renforcer mais personne n’avait une idée claire de ce que cela signifiait. Pour les Allemands ou les Polonais, ça évoquait plutôt l’indépendance. Pour les Français, plutôt la puissance. Pour les Italiens, c’était synonyme de nationalisme…

Un concept nébuleux devenu très populaire...

Indépendance, puissance, nationalisme… ce sont finalement des postures qui visent à répondre à une menace… et de ce point de vue-là, on a plutôt été gâté…

Il y a d’abord eu la montée en puissance de dirigeants totalement imprévisibles qui ont rendu le monde plus incertain. Les Trump, Poutine, Erdogan et compagnie. Ils ont été, malgré eux, l’étincelle qui a permis à la souveraineté européenne de se faire un nom… mais sans dissiper le flou autour du concept… Et puis il y a eu le Covid, la guerre en Ukraine et la montée en puissance économique et militaire de la Chine de Xi Jinping, et là tout d’un coup ce qui semblait n’être qu’une ritournelle sans fond s’est mise à prendre forme. La souveraineté européenne c’est devenu concrètement la nécessité de ne plus dépendre de la bonne volonté d’autres pays pour se soigner, pour se chauffer ou pour réussir notre transition énergétique. La souveraineté européenne, c’est aussi devenu la capacité de s'organiser ensemble militairement face à l’agression d’un de nos voisins. Un vrai changement.

... et de plus en plus concret

Depuis quelques mois, les Européens ont commencé à lancer des initiatives pour protéger les infrastructures sensibles des investissements étrangers ou pour développer une industrie européenne des microprocesseurs ou des médicaments, ou encore pour garder les entreprises de la transition énergétique sur le sol européen. Et puis il y a quelques semaines les ministres de la défense de l’Union se mettaient d’accord pour acheter des obus en commun. Aujourd'hui la souveraineté européenne n’est plus si nébuleuse, c’est devenu aujourd’hui un embryon de réalité. Fragile.

Cela veut dire que, contrairement à ce que pense le président français, la bataille idéologique de la souveraineté n’est pas encore gagné. La tempête provoquée par ses propos dans l’avion qui le ramenait de Chine le weekend dernier lui en a apporté la preuve. Quand il déclare qu'au nom de la souveraineté européenne, l’Europe ne devait pas se laisser entrainer dans des crises qui ne sont pas les siennes et que la pire des choses serait de penser que nous, Européens, devrions être suivistes sur Taïwan, nous adapter au rythme américain et à une surréaction chinoise, Emmanuel Macron se retrouve sous le feu des critiques de ses homologues européens. Des critiques particulièrement virulentes dans les pays baltes ou en Europe centrale et orientale où, depuis la guerre en Ukraine, notre relation avec les Etats Unis est devenue le fondement absolu de la défense européenne.

La souveraineté européenne retourne au placard?

Cet épisode va certainement laisser des traces. Il a réveillé les vieilles fractures que les Européens cherchent à resouder depuis le début de l’invasion russe. Il a aussi sans doute un peu démonétisé la parole du président français, le principal armateur de cette souveraineté européenne, mais il ne devrait pas la renvoyer dans ses cartons. Les Etats Unis ont certes réinvesti la relation transatlantique, ils ont renvoyé des troupes en Europe mais ce n’est pas fait pour durer. La Chine reste LA priorité stratégique de l’administration américaine. Les Européens le savent. Ils ont conscience qu’à la moindre alerte autour de Taïwan, ils vont devoir reprendre leur destin en main.

La souveraineté européenne n’est finalement pas une chanson populaire. Juste une nécessité

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