La secrétaire d'Etat Sarah Schlitz sur la lutte contre les violences sexuelles: "Nous sommes dans une période de changement"

Par A. Dulczewski

Suite aux témoignages d’agressions sexuelles dans des bars du quartier bruxellois du cimetière d’Ixelles, la secrétaire d'Etat à l’Egalité des genres Sarah Schlitz convoque une réunion cette semaine avec la ministre de l’Intérieur et le ministre de la Justice. Comment lutter contre les violences sexuelles ? Comment accompagner les victimes ? Quelle est l’ampleur du phénomène ? Sarah Schlitz a répondu à ces questions au micro de La Première.

En tant que responsable des centres de prise en charge des victimes de violences sexuelles (les CPVS), Sarah Schlitz explique avoir eu un retour du centre de Bruxelles et il a, depuis quelques semaines, une "augmentation du nombre de victimes qui se présentent". Qu’est-ce qui expliquerait cette recrudescence ? Selon la secrétaire d'Etat, il y a plusieurs phénomènes : "C’est la rentrée scolaire, la réouverture des bars… et puis les CPVS ont davantage de notoriété. L’information a été relayée dans le milieu étudiant suite à ces violences."


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Pour Sarah Schlitz, l’actualité à Ixelles a "allumé la mèche et révélé certains faits. Mais pour travailler au quotidien sur les violences sexuelles, je peux dire que ce sont des phénomènes qui sont généralisés dans notre société." Elle déplore : "Aujourd’hui, on vit dans une société où on trouve ça normal de dire aux filles de faire attention quand elles sortent, où on trouve ça normal de dire que ce sont à elles de prendre soin de leur propre sécurité. Il faut agir pour changer cet état."

Changement du code pénal et accompagnement des victimes

Et donc comment agir pour lutter contre les violences sexuelles ? Dans le cas particulier des agressions présumées à Ixelles, "on doit faire du partage d’infos, voir quelles les initiatives ont déjà été prises et voir si on peut renforcer la sécurité autour de ces bars", déclare Sarah Schlitz. Par ailleurs, ajoute-t-elle, "il y a aussi la question de l’usage de drogues à des fins d’agression… c’est aussi un phénomène qu’il faut pouvoir circonscrire."

De manière plus globale, dans la récente réforme du Code pénal sexuel, "on a revu la notion de consentement, qui désormais ne pourra plus se déduire de la simple absence de résistance de la victime", souligne Sarah Schlitz. En d’autres termes : ce n’est pas parce que la victime ne résiste pas qu’elle donne son consentement. De plus, une circonstance aggravante a été ajoutée: celle de l’usage des substances inhibitrices envers une victime. "Tout cela, c’est pour pouvoir mieux prendre en compte l’ensemble des nouveaux phénomènes à l’œuvre dans notre société".


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Par ailleurs, la secrétaire d'Etat à l'égalité des genres souligne l’importance de l’accompagnement des victimes. Lancé en 2017, le projet pilote des centres de prise en charge de victimes de violences sexuelles (CPVS) "a fait ses preuves", estime Sarah Schlitz.  Il s’agit de centres pluridisciplinaires qui accueillent les victimes de violences sexuelles 24/24 avec des professionnels formés. Il en existe pour l’instant 3 en Belgique, un à Gand, un à Bruxelles et un à Liège. Depuis leur création, 4000 victimes ont été prises en charge dans ces centres et "on observe que quand une victime passe par un CPVS, il y a sept fois plus de chance qu’elle porte plainte que lorsqu’elle passe lors d’un circuit habituel," précise-telle. Ces centres vont donc se multiplier. "Sept nouveaux centres vont être créés à travers le pays, de sorte que chaque victime aura un centre à maximum une heure de chez elle."

Former les magistrats et la police

La lutte contre les violences sexuelles se fait également au niveau de la justice. "On est en train de former les magistrats pour qu’il y ait une meilleure prise en compte des victimes des violences sexuelles lors des procès," explique Sarah Schlitz. "Il y a déjà la moitié des magistrats de Belgique qui sont passés par cette formation." Dans un second temps, ajoute-t-elle, ce sont les policiers qui seront formés "pour qu’il puisse y avoir dans tous les commissariats un personnel formé à l’accueil des victimes de violences et à la compréhension de ces phénomènes."

Nombre de témoignages ont fait état de plaintes classées sans suite. Un problème qu'il faut résoudre, selon la secrétaire d'Etat à l'Egalité des genres. "Quand il y a un dépôt de plainte, il faut qu’il y ait une action", déclare-t-elle. "C’est essentiel pour lutter contre l’impunité et donner du respect à des victimes qui ont besoin d’être entendues, notamment pour se reconstruire."


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Pour Sarah Schlitz, nous sommes actuellement "dans une période de changement." Par exemple, suite aux dénonciations des violences qui existent dans le milieu festif estudiantin, "plusieurs autorités universitaires ont pris des décisions pour faire changer les choses. Moi je salue ce travail. On sent qu’il y a un changement qui est en cours. Avant, ça avait lieu mais personne ne faisait rien."

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