En début d’après-midi, le gouvernement fédéral va recevoir la confiance du parlement. La fin de l’épisode 1 de la saison 2 de la Vivaldi sera sans surprise, après le cliffhanger, le suspens final de la saison 1 : la Vivaldi allait-elle atterrir sur un accord budgétaire, de relance et de réformes, et ce, dans les temps ?
Aviez-vous déjà percuté que vers la fin de nombreux films grand public, ou lors de l’avant-dernier épisode d’une saison de série télé, le ou les personnages principaux sont dans une situation désespérée, à deux doigts d’échouer ? Et puis, on ne sait comment, souvent par la force de l’abnégation, par un coup de chance ou par une paresse scénaristique, l’incroyable se produit et la victoire est à la clé. C’est un peu ça qui s’est passé en début de semaine. On a même eu droit à la scène post-générique où le PS dit qu’il n’y a pas d’accord. Puis la deuxième scène post-générique, comme dans les films Marvel, où on apprend qu’en fait, l’accord est scellé.
Un scénario plus ou moins bien ficelé ?
Oui et non. Une membre du comité ministériel restreint, Sophie Wilmès, a quitté avec fracas les négociations en pleine nuit, ça, ce n’est jamais bon. Mais elle n’a pas coupé court au conclave, elle a attendu, depuis son cabinet, que les autres lui proposent quelque chose d’acceptable. Ce qui est arrivé, sans surprise, car comme dans la fiction ciné-télé, les négociations politiques belges sont régies par une série de règles tacites. Ces règles, elles sont parfaitement bien expliquées et résumées dans un "Dossier du CRISP" datant de 2015 et signé Renaud Witmeur, actuellement patron de Nethys, mais par le passé, membre de plusieurs cabinets socialistes. Et parmi ces règles tacites, il y a la quasi-impossibilité de "faire un coup". Si vous humiliez votre partenaire sur un dossier, vous ne pourrez plus compter sur lui ou elle à l’avenir, pour négocier d’autres choses. Et vu la longueur des carrières politiques chez nous, et les nécessaires coalitions à chaque élection, vous risquez de retomber sur cette personne humiliée. Même chose aux niveaux des partis politiques, des présidents de parti. Enfin presque. Voici une autre règle : "nombre de responsables politiques veillent à traiter leurs adversaires avec correction et à rechercher l’équilibre". Dans cette coalition Vivaldi, au minimum entre bleus et rouges, ça tape beaucoup, ça tape même trop. La recherche de l’équilibre n’a pas été la priorité de Paul Magnette ou Georges-Louis Bouchez. Chacun est monté très haut : le socialiste demandait, en septembre, 1 milliard et demi d’investissements chaque année d’ici 2024. Au final, l’investissement total décidé par le gouvernement est d’un milliard d’ici 2024. Le libéral, lui, voulait retirer aux syndicats le versement des allocations de chômage et sanctionner les chômeurs qui refusent un métier en pénurie. Rien de tout cela n’a été décidé. Et un peu comme à la fin de l’hiver dernier, quand et l’un et l’autre demandaient avec force la réouverture de certains secteurs fermés par le covid, ces deux présidents ont dû constater que crier très fort ne servait parfois pas à grand-chose, et même s’ils sont en contact avec leur vice-premier ou vice-première au sein du Kern, ils ne sont pas au gouvernement. C’était déjà l’une des conclusions qu’on pouvait tirer du déroulé de la saison 1 de la Vivaldi.
Quelle saison 2 ?
Elle sera difficile, cette saison 2, parce qu’une série de dossiers compliqués va débouler. Vous les connaissez, ces dossiers, le nucléaire, les pensions, la réforme fiscale, la réforme de l’emploi. L’une des règles tacites de la négociation, chez nous, c’est "élargir le sujet de la discussion afin d’aboutir à un ensemble plus large dans lequel chacun peut obtenir des victoires et accepter des concessions." Mais ces quatre gros dossiers seront normalement traités séparément. Et si certains sont très compliqués car aussi très symboliques, d’autres, comme le nucléaire, sont à première vue assez binaires. Et en ce début de saison 2, après le très difficile atterrissage du budget, dont au final les décisions ne sont pas révolutionnaires, on peut raisonnablement s’inquiéter. La confiance, déjà pas bien grande, s’est un peu plus fissurée, ce week-end. Il va falloir la restaurer. Pour que, comme ça arrive malheureusement souvent dans les séries télé, la deuxième saison ne soit pas très décevante.