Guerre en Ukraine

La Russie suspend sa participation au traité New Start sur le désarmement nucléaire : "l’équilibre de la terreur"… déséquilibré

Traité New Start : itv Jean-Marie Collin

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Le président russe Vladimir Poutine a annoncé ce mardi que la Russie suspendait sa participation au traité New Start sur le désarmement nucléaire, lors d’un discours fleuve – de deux heures – marqué par son hostilité envers les pays occidentaux, alliés de l’Ukraine. Le traité bilatéral lie les deux premières puissances nucléaires au monde, les États-Unis et la Russie depuis 2010.

Que prévoit-il et que signifie l’annonce du Kremlin ? Nous avons interrogé le directeur d’ICAN France (International Campaign to Abolish Nuclear Weapons) et chercheur associé au GRIP (Groupe de Recherche et d'Information sur la Sécurité et la Paix), Jean-Marie Collin.

Qu’est-ce que le traité New Start ?

Jean-Marie Collin - "New Start est un traité bilatéral de contrôle des armements signé par les États-Unis et la Russie en 2010 et entré en vigueur le 5 février 2011. Il limite la taille des arsenaux américain et russe à 1550 ogives déployées c’est-à-dire que ces ogives sont susceptibles d’être utilisées extrêmement rapidement. New Start limite par ailleurs à 700 le nombre de systèmes qui permettent d’utiliser ces ogives. Ces systèmes peuvent être des lanceurs, des missiles, des bombardiers stratégiques du côté des Américains (B52) ou des sous-marins.

Ce traité arrivait à échéance en février 2021 et il a été prolongé jusqu’en février 2026, soit cinq années supplémentaires, ce qui était une très bonne nouvelle. À présent, la question c’est 'comment va-t-il continuer de vivre sachant que l’une des deux parties, la Russie, a décidé de suspendre les différentes obligations auxquelles elle est contrainte par ce traité ?'.

D’une certaine manière, la suspension n’est pas une réelle surprise puisque, depuis quelques mois, les autorités russes n’acceptaient pas certains éléments du traité. Par exemple, dans ce traité, il y a une commission consultative qui se rend sur les territoires américain ou russe pour vérifier que chaque partie remplit bien ses obligations. Et depuis le début de la guerre entre la Russie et l’Ukraine, les autorités russes n’autorisent plus la commission américaine à se rendre sur le territoire russe. Il y avait donc déjà certaines entailles au traité, ce qui posait des problèmes.

Plusieurs autres questions se posent aussi et notamment celle de savoir combien de temps va durer cette suspension. Est-ce que ce sera jusqu’à l’échéance en février 2026 ou simplement quelques mois ? Est-ce que ce sera la fin des traités bilatéraux américano-russes ? Depuis un an, on observe que Vladimir Poutine s’est livré à des menaces de guerre nucléaire et qu’il va poursuivre ses menaces. Il s’attaque au régime général de traités bilatéraux et multilatéraux aussi puisqu’il indique la possibilité de réaliser un essai nucléaire si les États-Unis font un essai nucléaire de leur côté."

Comment analyser l’annonce de Vladimir Poutine, comme l’annonce d’un possible recours à l’arme nucléaire ?

Jean-Marie Collin"Lorsqu’un État détenteur de l’arme nucléaire est en guerre contre un autre État, il est impossible de dire que l’arme nucléaire ne sera jamais utilisée. On a un risque qui est béant, qui est important, qui a certainement atteint un pic l’année dernière et qui est donc présent de manière permanente.

Est-ce qu’aujourd’hui, ça renforce le risque ou non, je ne pourrais pas le dire mais, en tout cas, on voit bien qu’il y a une volonté de la part de la Russie de s’astreindre de certaines obligations vis-à-vis des armes nucléaires. C’est dangereux parce que ça crée aussi des précédents pour d’autres États qui pourraient s’astreindre aussi de certaines obligations. Ça pose un véritable problème : ça devient complexe de rester dans un monde qui est dit 'dans l’équilibre de la terreur', sachant que l’équilibre, si vous tombez, ici ça fera très mal."

C’est une escalade particulièrement dangereuse ?

Jean-Marie Collin – "Oui bien sûr, on est dans une escalade. Le problème de l’escalade, c’est de savoir à quel moment on arrive en haut de la montagne et combien de temps elle va durer. Ici, on est dans une étape supplémentaire qui est celle de vouloir suspendre le traité New Start. Ça montre bien qu’on a une problématique internationale qui s’appelle 'les armes nucléaires' et que, dès aujourd’hui, même s’il y a ce conflit, il faut que nos démocraties travaillent véritablement ce sujet-là pour, qu’une fois la paix rétablie, elles puissent engager un processus pour éliminer totalement ces armes nucléaires, sachant qu’il existe aujourd’hui un traité sur l’interdiction des armes nucléaires que toutes les puissances nucléaires n’ont pas voulu ratifier, ou les puissances qui participent à la dissuasion comme la Belgique."

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