La Russie se débarrasse de plus en plus de ses dollars. La banque centrale russe a opéré un mouvement spectaculaire sur ses réserves monétaires. En six mois à peine, la part occupée par le dollar dans les réserves russes a fondu au profit d’autres devises, des euros mais aussi et surtout des yuans, la monnaie chinoise.
On assiste à une sorte de réajustement étant donné que la Chine pèse plus dans l’économie mondiale. Mais par ce type d'actions, la Russie adresse aussi un message aux Américains. Il y a un peu des deux.
Puissance chinoise
La devise chinoise, le yuan, depuis une petite dizaine d’années, commence à peser de plus en plus dans les réserves monétaires de toute une série de pays dans le monde. Une croissance normale, signe que la Chine pèse tout simplement de plus en plus lourd au niveau mondial dans l’économie. Mais il s'agit d'un mouvement assez lent.
Globalement, on trouve en moyenne 1,5% de yuans, de devise chinoise, dans les réserves des banques centrales du monde. Ça n’a pas l’air de grand-chose, mais c’est plus qu’il y a 10 ans. Dans le cas de la Russie, ces réserves en monnaie chinoise, en yuans, représentent aujourd’hui 15%, donc 10 fois plus que la moyenne.
Concernant l’évolution des rapports entre Chine et Russie, elle est tout à fait impressionnante. En six mois à peine, la Russie a triplé ses réserves de yuans.
Rupture avec les Etats-Unis
Corollairement l'état russe a divisé par deux ses réserves de dollars américains. Pour Xavier Dupret, économiste à la Fondation Joseph Jacquemotte, le message russe adressé aux États-Unis est plutôt clair. "Les sanctions américaines sont là et, de plus en plus, les Russes ne souhaitent plus s’aligner de manière aussi inconditionnelle sur les États-Unis, comme ça a été le cas à une certaine époque, lorsque globalement 60% des réserves de la Fédération de Russie étaient des billets en dollars."
L'expert voit cette mesure comme une mesure "de rétorsion". "Ils ne souhaitent pas non plus financer davantage les États-Unis", explique-t-il. Pour le dire autrement, une banque centrale russe qui détient des devises américaines contribue à financer aussi l’État américain. C’est sans doute cela que la Russie voulait changer, parce que les réserves monétaires, donc les réserves de change d’un pays, c’est l’accumulation de devises du fait d’exportations.
La composition de réserves monétaires en dit donc long sur les relations commerciales et, dans ce cas-ci, sur les intentions géopolitiques aussi, et dans le cas de la Russie, réagir aux sanctions américaines.
Des conséquences pour la zone euro?
Pour l’instant, la Russie, malgré les sanctions européennes à son égard, choisit de continuer à accumuler des euros, et d’ailleurs de plus en plus et malgré les sanctions. Ce qui fait dire à Xavier Dupret que la zone euro pourrait en fait devenir une espèce de zone neutre.
"Un bloc américain, un bloc sino-russe et entre les deux on pourrait se dire que la zone euro deviendrait finalement une espèce de gigantesque Suisse, neutre géopolitiquement, cherchant à se maintenir à l’équilibre entre ces deux grands blocs qui s’affirment. L’euro serait donc cette monnaie stable, qui serait globalement la deuxième ou troisième monnaie de réserve internationale", analyse-t-il.