L’action demandée par l’Ukraine se base sur des déclarations de Vladimir Poutine. Lors de son allocution annonçant l’intervention armée en Ukraine, le président russe avait affirmé vouloir défendre les populations russophones d’un génocide de la part du régime de Kiev. Un "mensonge absurde" et "grotesque", selon l’Ukraine, qui nie qu’un tel génocide ait eu lieu. Et estime que l’invasion russe est "dépourvue de tout fondement juridique". C’est sur ce point que l’Ukraine demande à la cour de statuer.
Cette action introduite par l’Ukraine "se base sur la convention sur la prévention et la répression du crime de génocide (qui date de 1948 et dont la Russie et l’Ukraone sont parties, ndlr), explique François Dubuisson, professeur en Droit international à l’ULB. La Russie, entre autres motifs, a basé son opération militaire sur la prétendue commission d’un génocide par les autorités ukrainiennes contre des minorités russes dans le Donbass ; et ce que l’Ukraine veut faire, c’est se fonder sur cette convention pour obtenir de la Cour internationale de justice un jugement qui dise que, en réalité, ce motif est totalement inexistant et donc que la Russie ne peut pas prétendre agir militairement sur le territoire de l’Ukraine en se basant sur la prétendue commission d’un génocide."
Aujourd’hui, l’Ukraine espère que les audiences de la Cour internationale de Justice (CIJ) mèneront à des mesures conservatoires, avant qu’un jugement sur le fond, qui pourrait prendre des années, intervienne. La Cour énoncerait dans ce cas un certain nombre de mesures que la Russie devrait prendre, "et donc en particulier évidemment, ce que demande l’Ukraine, c’est que la Russie soit intimée de suspendre toutes ses actions militaires."
La guerre pourrait donc être stoppée ? C’est plus compliqué que cela
La CIJ a été créée en 1946 pour régler les disputes entre les Etats. Ses jugements sont contraignants et sans appel, mais la cour n’a aucun moyen de les faire respecter. La Cour "va pouvoir dire que par exemple qu’elle a bien compétence, et qu’il n'y a pas d’éléments qui permettent de dire qu’il y a génocide, sans se prononcer définitivement. Et dans l’attente d’une décision, elle pourra dire que la Russie doit suspendre ses opérations puisque ces opérations risquent de causer, et causent déjà, un préjudice irréparable à l’Ukraine et à sa population civile en particulier. Après, ça ne veut pas dire que la Russie va s’y conformer pour autant […] Dans ce cas-là, il y a peu d’outils de le droit international pour faire appliquer effectivement la résolution, puisqu’en cas de de non-respect d’une décision de la Cour, c’est le Conseil de sécurité qui est compétent. Évidemment, le Conseil de sécurité ici sera de toute manière bloqué", précise Francois Dubuisson.
On le voit, ici, le but est plus diplomatique et symbolique pour l’Ukraine, puisqu’il sera probablement impossible de prendre des mesures obligeant la Russie a se conformer à une ordonnance de la CIJ.