Pour y voir clair dès maintenant, une liste des voitures ayant droit à la prime est déjà publiée. Chez Audi par exemple, la "Q5" hybride est made in USA, mais pas les "Q4 e-tron" ou l’"e-tron" qui est fabriquée à Bruxelles. Chez Porsche pareil : les futurs acheteurs des "Taycan" électriques et des plug-ins hybrides "Cayenne" ou "Panamera" perdront leur bonus.
Ce sera le cas de 70% des modèles vendus aux Etats-Unis en électriques, qu’ils soient européens, coréens ou chinois.
La Commission dénonce une discrimination
La parade, c’est bien sûr de venir assembler ses modèles électriques sur le sol américain. C’est le souhait des autorités US, et c’est ce qu’a déjà commencé à faire Volkswagen avec la production de sa "ID.4" dans le Tennessee. Hyundai fera de même en Alabama et en Géorgie.
Mais pour les Européens, c’est discriminatoire. La Commission s’insurge. Elle dénonce une mesure "discriminatoire pour les constructeurs européens". Déloyal. Le vice-président de la Commission en charge du Commerce, Valdis Dombrovskis, l’a dit jeudi à son homologue américaine Katherine Tai : "La discrimination à l’encontre des constructeurs de l’Union européenne rend beaucoup plus difficile leur contribution à l’électrification des véhicules aux États-Unis et réduit le choix des consommateurs américains lorsqu’ils souhaitent acheter des véhicules électriques".
De son côté, l’Association des constructeurs européens d’automobiles fait état de sa "déception". "Les aides à l’achat sont très importantes pour lancer un marché et faciliter l’adoption des véhicules électriques. Afin d’atteindre l’objectif de 50% des ventes de voitures zéro émissions d’ici 2030, il faut des mesures d’aides bien plus inclusives."
L’enjeu est de taille : en 2021, les États-Unis sont devenus la principale destination des véhicules européens exportés (20% des exportations totales). Le marché est rentable pour les Européens : BMW, Mercedes ou Porsche font jeu égal avec Tesla. Ensemble, les trois constructeurs allemands écoulent un million de véhicules par an et comptaient bien poursuivre sur leur lancée en investissant dans l’électrique.
Batteries européennes et protectionnisme américain
Avant cette annonce, le franco-italo-américain Stellantis prévoyait que 50% de ses ventes aux États-Unis seraient électriques en 2030. Et les constructeurs européens investissent pour se dégager de leur dépendance aux batteries chinoises. Volkswagen a lancé sa première usine de batteries à Salzgitter et une vingtaine de projets de construction d’usines de batteries sont recensés dans toute l’Europe.
La Commission européenne envisage toutes les options, y compris un recours auprès de l’Organisation mondiale du commerce. La Corée du Sud souhaite agir avec l’Europe. Ce serait l’escalade et cela pourrait créer des frictions mettant en danger le front commun face à la Russie. La priorité est donc au dialogue qui avait repris avec l’arrivée de Biden. Les pourparlers ont été lancés sur les droits de douane américains sur l’acier et l’aluminium européens, et le conflit sur les subventions à Airbus et Boeing a été gelé pour cinq ans.
L’annonce des nouvelles conditions d’obtention de la prime à l’achat de véhicules électriques est une mauvaise nouvelle pour les constructeurs européens. Rien ne change pour les acheteurs en Europe. A Washington, les présidents changent mais le protectionnisme clamé par "America First" reste au cœur de la politique des Etats-Unis.