La Grande Forme

La pensée positive : quand la tentative de remède devient un poison

Quand la positivité devient toxique

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Par Caroline Depuydt et Daphné Fanon

Dans de nombreuses situations, l’optimisme est une grande qualité ! Il encourage à avoir une attitude positive, même dans les instants difficiles. Mais cultivée à l’excès la positivité peut se révéler néfaste pour notre santé mentale : elle nous fait culpabiliser d’aller mal ! C’est ce qu’on appelle "la positivité toxique." Décryptage avec le Dr Caroline, psychiatre et médecin référente dans l’émission "La Grande Forme".

Vous voyez, ces belles citations sur les comptes Instagram d’influenceuses, qui prônent la positivité face à tous les événements de la vie : "Accepte ce qui est, laisse aller ce qui était, aie confiance en ce qui sera”, “La vie, ce n’est pas d’attendre que les orages passent, c’est d’apprendre à danser sous la pluie” ou encore, "Ne cherche pas le bonheur, crée-le". Beau programme n’est-ce pas ? Dans la vie, il est vrai que selon de nombreuses études, les personnes optimistes ont plus de chances d’être heureuses, que les pessimistes. Mais la positivité peut également devenir toxique


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Quand on se rend compte que ce qui a l’air si facile écrit comme ça, ne l’est pas autant dans notre petite réalité quotidienne, c’est parfois difficile à digérer. La pensée positive surfe sur la vague du "Fake it until you make it" (NDLR = "Fais semblant, jusqu’à ce que tu y arrives"). Dans certains domaines de la vie, c’est possible… Mais dans le domaine de la positivité ça ne marche pas trop ! Pourquoi ? Parce que si vous n’y croyez pas, les pensées ne s’impriment pas. Par exemple : Vous aurez beau vous répéter en boucle "Je suis belle", si une petite voix de fond vous dit : "Tu veux rire ou quoi ? Toi belle ? Jamais…", vous n’arriverez pas à y croire et vous sentir réellement belle.

Ce qui risque par contre d’arriver, c’est de vous sentir coupable et triste de ne pas arriver à vous aimer telle que vous êtes. Autrement dit, une pensée n’est utile que si elle est positive et qu’on y croit. Sinon, elle est plus toxique qu’autre chose. Il existe un cycle décrit par les psychothérapies "cognitivo-comportementales": les pensées provoquent des émotions, et ces émotions provoquent des actions. Ces actions amènent à de nouvelles pensées. Ce cercle peut être vertueux, mais aussi vicieux.


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Lorsqu’une personne se dit qu’elle est bien dans sa peau, elle ressentira une émotion de joie ou de confiance. Ce qui l’amènera à prendre soin de soi, à bien s’habiller, et oser prendre sa place. Se sentir respectée renforce l’idée d’être bien dans sa peau. Cercle vertueux !

La pensée positive créé des émotions positives et des actions prometteuses. Mais ce n’est pas si facile que ça !

Si au contraire, une personne se dit qu’elle est mal dans sa peau, elle ressentira une émotion de tristesse ou d’impuissance. Cela va l’amener à se renfermer sur elle-même, à ne pas prendre la parole en groupe et à se faire la plus discrète possible. Elle ne recevra que peu de feedbacks positifs et cela renforcera son impression d’avoir peu de valeur. Cercle vicieux ! "La pensée positive créé des émotions positives et des actions prometteuses. Mais ce n’est pas si facile que ça !" explique le Dr Caroline. Une fausse pensée positive recèle trois pièges :

  • Si on n’y croit pas, ça ne marchera pas.

Le cerveau n’est pas complètement idiot, et il ne va pas se laisser berner si facilement. Vous risquez de vous sentir coupable et impuissant de ne pas vous sentir "bien dans votre peau", alors que vous vous le répétez 45 fois par jour.

  • Forcer les pensées positives, c’est dénier son propre vécu interne quand il est désagréable ou douloureux.

Or, la souffrance, les émotions désagréables, les angoisses, font partie de notre vie à tous, sans exceptions. Les émotions sont des signaux, elles veulent dire quelque chose. Si on ne les écoute pas et si on les évite, elles reviennent plus fort. Fuir ses émotions négatives en tentant de se raccrocher à la "pensée positive" est toxique à long terme. Les émotions ne sont pas digérées, elles restent et vous reviennent en pleine figure avec une anxiété démultipliée. Avant de penser positif, il est préférable d’accepter et d’affronter ses pensées "négatives."

  • A force de positivité, on peut passer complètement à côté de l’empathie et de l’écoute bienveillante.

Ce troisième constat vaut pour soi-même et pour les autres. Imaginez que vous dites à votre meilleur ami "je suis vraiment triste, ma femme m’a quittée pour le prof de judo de notre fils" et qu’il réponde : "hum, oui, mais ça va aller, une de perdue, dix de retrouvées !" Même si ça part d’une bonne intention, votre ami oublie de vous écouter, de comprendre votre peine. Il passe directement à la positivité, à laquelle vous aurez accès dans trois mois mais pas là, tout de suite.

Entendre et respecter la tristesse, la sienne ou celle de celui qui se confie à vous, est une étape cruciale pour permettre de digérer ses émotions. Court-circuiter ce passage s’avère toxique, à terme.

Conseils pratiques pour gérer ses émotions

En conclusion, quelques conseils pratiques pour que la pensée positive soit votre meilleure alliée, et non votre pire ennemie :
  • Vivez vos émotions, toutes vos émotions. Qu’elles soient bonnes ou désagréables, arrêtez de les fuir. Ce n’est pas grave d’être triste, anxieux ou en colère. Ecoutez ce que ces émotions ont à vous dire !
  • Prenez le temps de vous traiter avec bienveillance, ainsi que les personnes autour de vous qui se confient à vous. Parfois un simple : "Je te comprends, ça doit être dur" est le meilleur remède au monde.
  • Quand vous vous sentez prêt à passer à la pensée positive, choisissez-en une à laquelle vous croyez. Par exemple, si vous ne croyez pas à "Je suis bien dans ma peau" peut-être croyez-vous à la pensée : "Je travaille à être bien dans ma peau" ou "Je suis en chemin pour être en paix avec moi-même."

La Grande Forme, c’est du lundi au vendredi de 13h à 14h30 en direct sur VivaCité. Vous avez manqué l’émission ? Nous vous invitons à la revoir sur Auvio.

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