Tendances Première

La pédagogie traditionnelle est-elle ringarde ?

Les explications de Bruno Humbeeck, psychopédagogue de l’UMons

© Pixabay

Par RTBF La Première via
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La pédagogie traditionnelle est-elle ringarde ? Montrer, expliquer, démontrer… cela a-t-il encore du sens à l’école ? Explications avec Bruno Humbeeck, psychopédagogue de l’UMons.

Si le courant traditionnel est devenu ringard, la pédagogie traditionnelle n’est pas ringarde. Elle évolue, même si c’est très lentement.


Qu’entend-on par pédagogie traditionnelle ?

La mère de la pédagogie, c’est la psychologie, et sa grand-mère, c’est la philosophie, avec entre autres Platon et Socrate. Platon développe une pédagogie essentiellement articulée autour de la monstration, de la démonstration, de l’explication. C’est le modèle traditionnel hérité du 17e siècle, d’un enseignant qui enseigne à un groupe d’élèves, dans des conditions d’enseignement simultané.

La pédagogie traditionnelle a connu de très belles évolutions, qui sont très lentes, parce qu’elle n’a pas pour vocation de bousculer la société. Elle accompagne l’évolution d’une société. On voit apparaître des déclinaisons telles que la pédagogie de maîtrise, la pédagogie par objectifs, la pédagogie différenciée…. En cela, elle n’est pas ringarde.

"On peut parfois porter un regard ringard sur la pédagogie traditionnelle lorsque, par exemple, ne profitant pas des leçons de la pandémie, on suggère que tous les élèves peuvent revenir en troupeau à l’école, comme avant."


Une ouverture nécessaire

Le problème, c’est quand un courant pédagogique prend toute la place, quand on dit : on ne doit jamais faire que comme ça. La pédagogie traditionnelle n’a pas pour vocation de prendre tout le territoire. Bruno Humbeeck encourage d’ailleurs souvent les parents à évaluer la qualité de l’école qu’ils souhaitent pour leur enfant à son niveau d’ouverture, aux autres courants qu’elle accueille.

Une pédagogie traditionnelle n’est pas en soi négative. Elle évolue lentement, elle ne bouscule pas, mais elle va être d’autant plus performante qu’elle s’associe à des moments de pédagogie active, de pédagogie réflexive.


Remettre l’individu au centre

En ces temps confinés, les pédagogies traditionnelles ont tendance à vouloir relancer brutalement la machine pour rattraper le retard, en se centrant sur les matières essentielles. Mais les ados ont besoin de parler d’autre chose, de ce qu’ils ont vécu, de la manière dont ils envisagent la société demain. Ce sont des pédagogies réflexives dont ils ont besoin, qui sont tout aussi essentielles !

A condition d’être accompagnés dans le mouvement qu’ils veulent mettre en place, les enseignants ont l’autonomie technique pour développer une remise en route sans dégâts, en expliquant, en démontrant, mais aussi en individualisant le parcours de chacun.

Tout l’art de la pédagogie est en effet de continuer à faire une action collective, en étant attentif au parcours singulier de chacun. "Le discours politique édicte des mouvements d’ensemble, à la grosse louche. Après, il faut faire tout un travail d’adaptation de ce qui a été dit, mais ce n’est pas suffisamment fait. Il faut s’assurer que chacun puisse retrouver sa place dans un parcours d’apprentissage qui lui permette, un jour ou l’autre, d’acquérir les matières essentielles. C’est la pédagogie de maîtrise ou la pédagogie par objectifs."


Un retour à l’école bienvenu

Les élèves sont généralement contents de retourner à l’école, de revoir leurs copains. Ils ne sont pas nécessairement ravis de voir se relancer la machine en termes de matières, mais ils sont contents de ne plus être perdus devant la matière. Et donc, les évaluations, c’est eux-mêmes qui les demandent.

Des groupes de 12-15 personnes, c’est un grand maximum pour relancer les apprentissages, Les élèves posent plus de questions, posent mieux les questions, s’enseignent les uns aux autres. Mais ils tiennent aussi à voir les autres copains. On doit pouvoir répondre à l’exigence de renouvellement pédagogique, en l’occurrence via ces petits groupes, tout en s’accommodant du souci des élèves d’avoir des contacts variés, affirme Bruno Humbeeck.


Il est temps d’oser !

L’enseignant est content pour sa part de retrouver ses élèves dans de bonnes conditions d’apprentissage. "C’est pour cela que c’est vraiment le moment de faire preuve d’audace pédagogique, en ces temps de grande prudence sanitaire". On développe ainsi l’innovation pédagogique. Et on ne ringardise pas les pédagogies traditionnelles, qui ont leur raison d’être, mais qui doivent laisser une place aux pédagogies actives, libertaires, alternatives : méditation à l’école, cours en extérieur, discussions en cercle ou en îlots…

La pédagogie active, ce n’est pas juste une affaire de plus jeunes, c’est aussi une affaire d’adolescents, qui ont besoin, et particulièrement aujourd’hui, d’être actifs dans leurs apprentissages et d’être actifs collectivement, d’avoir des objectifs communs, même à l’université. Mais l’université est le dernier espace qui bouge quand il est question de changer les pédagogies, observe Bruno Humbeeck, qui rêve de doctorats collectifs, pour développer de nouvelles formes d’intelligence !

 

Bruno Humbeeck est l’auteur de Quelle pédagogie pour votre enfant ? (Mardaga). Ecoutez ici son intervention dans Tendances Première.

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