Nous entamons la Semaine Sainte, avec, pour nous y emmener, ces compositions qui sont des pépites dans l’histoire de la musique. Après les Leçons de Ténèbres, ces Lamentations composées pour ce temps de cheminement avant Pâques, place à un autre style d’écriture, la Passion.
La Passion du Christ a été un sujet d’inspiration majeur pour les compositeurs de toutes les époques. Les Passions selon Saint Jean et Saint Mathieu de Jean-Sébastien Bach sont évidemment les plus célèbres. Mais les liens qui unissent l’histoire de la Passion à la musique occupent une place privilégiée, tant au sein du christianisme que de la culture européenne.
La période de la Renaissance donne vie à "la Passion motet", forme entièrement polyphonique. Au 17e siècle, elle se transforme en "Passion-choral". Les mots sont alors psalmodiés. On va très vite y adjoindre un orchestre, et cette Passion devient alors Oratorio.
Deux formes musicales accompagnent donc, depuis 400 ans le parcours pascal des croyants et des mélomanes ! La Passion liturgique et l’Oratorio de la Passion. Elles racontent, dans des styles différents les derniers instants du Christ. La dernière Cène, la veillée au Mont des Oliviers, l’arrestation, le procès, le chemin de croix et la crucifixion.
Musicalement, les Passions liturgiques épousent plus ou moins fidèlement le texte d’un Évangile (Mathieu, Jean, Marc ou Luc). Elles alternent les récits d’un évangéliste extérieur à l’action, un conteur, avec des chorals et airs variés, confiés aux "rôles véritables" (Jésus, Pilate, Marie-Madeleine, etc.). On dit qu’elles sont liturgiques parce qu’elles s’insèrent naturellement dans le cadre des offices de la Semaine Sainte.
Les Passions Oratorios, elles, sont construites sur un livret entièrement versifié. Le style est opératique. On peut par exemple citer la Brockes Passion, qui repose sur le texte "Jésus martyrisé et mourant pour le péché du monde" du poète Hambourgeois Barthold Heinrich Brockes.
Les Passions allemandes sont généralement référencées par le titre de leur livret, alors que leurs homologues italianisantes portent soit le titre générique "La Passione di Gesu Cristo", soit un titre plus spécifique au lyrisme de la partition. On peut aussi imaginer que ces oratorios empreints d’une grande virtuosité vocale se destinent plutôt à des salles de concerts.
La période romantique a plutôt tourné le dos aux textes évangéliques. Elles favorisent plutôt l’écriture poétique en vers, par exemple ceux de Wilhelm Ramler. Si le sujet a moins attiré les romantiques, il passionne à nouveau les auteurs contemporains, comme Arvo Pärt, ou Penderecki, et on peut désormais y ajouter Leonardo García Alarcón.
Les Passions de Jean-Sébastien Bach sont des chefs-d’œuvre incontournables dans l’histoire de la musique. La Saint Jean et la Saint Mathieu sont immortelles. Mais saviez-vous que l’inventaire qui a été fait à la mort du compositeur mentionne l’existence de cinq Passions ?
Une Passion selon Saint Marc a été sauvée in extremis des bombardements de Dresden en 1945. L’œuvre ressemblerait dans sa construction à la Trauerode. Elle a néanmoins nécessité une part de reconstruction. Il existe aussi une Passion selon Saint Luc, mais a priori, elle ne serait pas de lui, il se serait contenté de la recopier de sa main, ce qui en soi, est déjà un gage de qualité.