Découvrir la trace d’un passé qui semblait perdu à tout jamais, voilà le rêve de tout historien, archéologue ou encore musicologue. Un rêve qui s’est concrétisé pour le jeune musicologue Matthieu Franchin, qui a récemment découvert une partition originale, jusqu’alors considérée comme perdue, de la musique de scène du Mariage de Figaro, la célèbre pièce de Beaumarchais.
La musique au théâtre sous l’Ancien Régime
Si, lorsqu’on évoque Le Mariage de Figaro ou encore le Barbier de Séville de Beaumarchais et leur lien avec la musique, on pense directement à leur transposition en opéra par Mozart, Rossini et Paisiello, on a tendant à oublier que les pièces de Beaumarchais possédaient, originellement, des parties musicales.
Il faut dire que la musique était très présente dans les théâtres sous l’Ancien-Régime. La Comédie-Française, temple du théâtre et de la déclamation, accordait également beaucoup d’importance à la musique, qui était présente dans les pièces données au XVIIe et au XVIIIe siècles, sous forme d’intermèdes musicaux. Le Français employait également sous l’Ancien-Régime un orchestre permanent. Ces pièces, qui mêlaient musique, danse et effets de machineries, sont appelées "Pièces d’agréments", pour marquer leurs différences avec les pièces classiques.
On pense bien sûr aux comédies ballets écrites par Molière et mise en musique par Lully, Le Bourgeois Gentilhomme en étant un parfait exemple. Et les pièces de Beaumarchais ne faisaient pas exception. Le Mariage de Figaro et Le Barbier de Séville présentaient toutes deux une partie musicale importante. Pour le Barbier, la partition a été éditée du vivant de Beaumarchais. En revanche, la partition du Mariage était considérée, jusqu’à ce jour, perdue.
C’était sans compter sur la découverte inattendue faite par le jeune chercheur et musicien Matthieu Franchin, étudiant en clavecin et basse continue au CNSMD de Lyon, et doctorant à la Sorbonne, où il termine une thèse qui étudie place de la musique et de la danse dans les pièces de théâtre de la Comédie-Française aux XVIIe et XVIIIe siècle.
Chasse au trésor
C’est en menant ses recherches pour sa thèse que Matthieu Franchin est tombé sur le Graal : en fouillant les archives de la Bibliothèque municipale de Bordeaux, il est tombé sur un manuscrit contenant la quasi-totalité de la musique de scène du Mariage de Figaro de Beaumarchais. Il ne s’agit pas de la partition originale utilisée à Paris, à la Comédie-Française lors de la création de la pièce en 1784 – manuscrit qui a sans doute disparu pendant la Révolution française -, mais d’une copie de cette partition originale, utilisée pour la création de la pièce sur la scène du Grand Théâtre de Bordeaux le 3 mars 1789.
Nous savons que la partie musicale du Mariage a été composée par Antoine-Laurent Baudron, qui était le compositeur attitré de la Comédie-Française et le premier violon de l’orchestre du Français. Si le nom du compositeur de figure pas sur le document retrouvé par Matthieu Franchin, ce dernier avance, dans un article écrit dans la Revue d’histoire littéraire de la France, plusieurs arguments qui semblent affirmer qu’il s’agit bien de la partition écrite par Baudron. Il y explique que le manuscrit renferme "l’intégralité des airs chantés accompagnés par l’orchestre" confiés à Figaro, Suzanne, Bazile et Chérubin, "mais aussi toutes les symphonies instrumentales, la musique d’un ballet, destiné à être dansé à la suite du vaudeville, ainsi que l’ensemble des entractes musicaux joués entre chacun des actes de la comédie."
Une mine d’or musicale qui prendra bientôt vie, grâce à une édition qui devrait être réalisée pour le Centre de musique baroque de Versailles.