Ce que nous avons vécu avec la pandémie de Covid-19 est totalement inédit. La distance liée aux restrictions sanitaires, aux confinements et aux gestes barrières a changé les vies familiales, amicales, amoureuses, sociales, professionnelles de chacun d’entre nous. Comment avons-nous vécu cette crise ? Quelles traces en restera-t-il ? L’Autre à distance auquel nous a contraints la pandémie changera-t-il durablement notre intimité, nos manières de vivre et, plus largement, nos façons de faire société ?
Explications avec Anne Muxel, directrice de recherches en sociologie et en science politique au CNRS. Elle publie L’Autre à distance, quand une pandémie touche à l’intime (Ed. Odile Jacob). Apprendre, travailler, être soigné et mourir, aimer et se rencontrer, autant de situations où le virus aura eu raison de nos façons d’être et de faire les plus habituelles.
Cela faisait longtemps que nous n’avions pas été confrontés à cette restriction de libertés qui touche très directement notre vie quotidienne. Il y a eu, dans l’Histoire, d’autres épidémies, des périodes de guerre, des personnes qui ont été séparées, des restrictions de liberté difficiles à vivre, la présence de la mort et de ce tragique de la vie, souligne Anne Muxel.
"Mais l’échelle à laquelle nous avons vécu cette pandémie, c’est-à-dire l’échelle du monde entier, avec cette conscience pour chacun d’entre nous d’être face à un péril qui concerne l’ensemble de la planète, et la relative inconnue face à cette maladie mortelle nous ont plongés dans ce moment de sidération, de peur collective, mais aussi de mobilisation collective pour y faire face."
L’adaptation des populations débouche sur l’incorporation, au niveau le plus intime, d’une nouvelle grammaire de comportements dans nos relations aux autres, que ce soit dans nos espaces privés ou dans la vie au travail, avec le télétravail, dans le secteur de l’éducation ou encore dans la vie amoureuse ou amicale, et plus profondément et plus tragiquement, dans notre relation à la maladie et à la mort.