Le rebond épidémique survenu à Pékin a entraîné une réponse forte des autorités chinoises, avec le dépistage de milliers d’habitants et le reconfinement de quartiers entiers. Autoproclamée vainqueure de la maladie qu’elle a aussi combattue hors de ses frontières, la Chine tente, à travers cette crise sanitaire, de renforcer son statut de superpuissance émergente. Pour en parler, sur le plateau de CQFD : Eric Florence, docteur en sciences politiques (ULiège), spécialiste de la Chine contemporaine.
Quand le parti décide de mettre en place des mesures de confinement, c’est radical
Eric Florence explique la stratégie radicale de la Chine par différents éléments : "Tout d’abord, le fait que ce rebond épidémique ait lieu dans la capitale a une dimension symbolique très forte […] Il y a aussi en Chine l’expérience du SRAS et de la grippe AH1N1. En 2003, la Chine a mis en place à travers tout le pays des centres de prévention des épidémies, donc leur capacité à déceler une épidémie et de tester est très forte", détaille le chercheur.
La dimension coercitive est également plus importante dans ce pays, au détriment de la notion de consentement de la population : "En Chine, l’utilisation des smartphones pour payer permet un contrôle social supplémentaire sur la population. Alors oui, quand le parti décide de mettre en place des mesures de confinement, c’est radical", affirme Eric Florence qui ajoute que pendant la pandémie, la répression sur certains acteurs de la société civile chinoise a été accrue.
Une communication politique efficace
"Sur le plan interne, le régime a d’une certaine manière réussi à renverser une opinion publique largement défavorable à la base", poursuit-il. "Aujourd’hui, vu la situation en Europe ou en Occident, on peut dire que le régime a réussi à procéder à une communication politique efficace".
Pour certains analystes, la Chine sort renforcée de cette crise sanitaire, lui permettant d’émerger comme superpuissance politique. Premier touché, le pays a aussi été le premier déconfiné et le premier à relancer son économie. La Chine s’est ainsi montrée comme une puissance efficace mais aussi secourable, lorsqu’elle est par exemple venue en aide à l’Italie alors que l’Europe semblait paralysée.
Toutefois, rappellent les experts, en tant qu’économie exportatrice, la Chine ne peut pas baser sa relance sur une demande ralentie ailleurs dans le monde. De plus, les économies occidentales ont pris plus largement conscience de toutes les limites de leur dépendance à la Chine, lors des multiples difficultés d’approvisionnement de matériel médical qui ont émaillé la crise. "Une prise de conscience qui précède cette pandémie" pour Eric Florence qui parle d’un effet de loupe : "la pandémie a certainement renforcé cette dimension plus critique de l’Union Européenne par rapport à la Chine".