Week-end Première

'La méfiance du gibier', de Stéphane Guyon : plongée dans un métier de l’ombre, celui d’agent de sécurité

L'invité

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Par RTBF La Première via

La méfiance du gibier, de Stéphane Guyon, c’est le journal grinçant de la vie quotidienne d’un agent de sécurité au Louvre. On y lit les heures passées à mimer le travail en tentant de tromper l’ennui. La hiérarchie invisible de ce peuple de l’ombre qui hante les couloirs cachés du musée. La colère qui gronde. La conscience politique qui émerge. 'La méfiance du gibier' est une satire très juste du monde du travail. Un livre où se côtoient l’horreur et la beauté.

Stéphane Guyon est romancier et professeur de français. Plus jeune, il a lui-même été gardien de musée. La méfiance du gibier vient de sortir aux éditions de L’Arbre vengeur. Rencontre avec l’auteur, dans Week-end Première.

Un livre qui documente un métier dont on parle peu

Sous la pyramide du Louvre, le héros reste toute la journée à attendre, pour surveiller un escalator… On est plongé dans la réalité d’un métier qu’on connaît très mal alors qu’on croise des agents de sécurité tous les jours. "Cela commence par les couloirs techniques que le visiteur ne voit pas, où il prend son poste, puis son affectation à un escalator ou une entrée, où il va devoir rester toute la journée pour filtrer, passer des sacs aux rayons X. Il va devoir supporter l’ennui, l’attente et surtout le fait de devenir peu à peu transparent, de faire partie du mobilier urbain", explique Stéphane Guyon.

Comment trouver les moyens de se ressaisir, de continuer à exister ? Notamment à travers les conversations avec les autres agents, à travers les écarts de conduite par rapport à ce qui est autorisé par la hiérarchie, ajoute-t-il.

"Il se rend compte qu’il y a des lignes, des frontières qui apparaissent petit à petit sous la pyramide. Et il va essayer de trouver sa place dans tout ça. De se trouver des alliés […], des affinités pour pouvoir résister à ce travail où l’on regarde sa montre sans arrêt".

Un métier de comédien ?

Dans ce métier, il faut trouver des subterfuges pour tromper l’ennui mais aussi pour avoir l’air d’être au travail alors qu’on ne fait pas grand-chose. On n’a pas le droit de s’accouder par exemple, sinon on n’a pas l’air de travailler. Serait-ce donc un métier de comédien ? "Oui, c’est un métier de façade, parce que même la surveillance de ces musées, la présence de ces agents, c’est un leurre complet. C’est une espèce de spectacle qu’ils jouent toute la journée".

Plutôt que d’aller dans l’analyse psychologique des personnages, Stéphane Guyon s’est attaché à ce qu’il se passe au niveau de leurs sensations, au niveau de leur corps, à force d’être debout toute la journée. "Et toujours cette façade à conserver, quand il y a un chef d’équipe qui passe, d’avoir l’air au travail, de feindre sans arrêt le travail".

On redevient des enfants, observe-t-il. Comme dans une classe où les élèves décrochent parfois et doivent feindre ensuite d’avoir suivi.

"Certains agents ont besoin d’y croire, de ne pas simplement feindre, mais de se plonger entièrement dans la tâche absurde qu’on leur demande d’accomplir. Puis petit à petit, cela finit par se craqueler quand même, pour certains agents qui prennent la liberté de sortir un journal et de lire pendant deux minutes, parce qu’il y a une chaise qui est juste là et que finalement, d’être debout ou assis, ça ne changera pas la donne sur la tâche qu’ils ont à accomplir".

© Getty Images

Un livre politique ?

Stéphane Guyon a souhaité ce regard candide du héros au départ, "pour pouvoir ensuite créer le contraste avec le regard plus distancié, plus ironique qu’il va avoir sur la fin du texte".

On peut y lire l’évolution du narrateur qui, au début, est dans une forme d’obéissance par rapport à ce qu’on lui demande d’être, puis qui, petit à petit, va s’affirmer et en même temps, perdre cette candeur. Il va se retrouver malgré lui délégué du personnel, il va assister à un conseil d’administration, il va découvrir et s’affirmer. Une conscience politique va émerger.

Mais c’est grâce aux livres que le héros parvient surtout à s’affirmer…

La suite est à découvrir dans ce livre singulier sur le peuple invisible, déclassé, qui permet au monde de tourner : La méfiance du gibier, aux éditions de L’Arbre vengeur.

► Ecoutez l’entretien complet ci-dessus, dans Week-End Première.

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