Croyez-vous que la justice favorise davantage les mères dans les dossiers de garde d’enfants ? Pensez-vous que de nombreuses femmes inventent des abus sexuels pour éloigner leur ex de leurs enfants ? Croyez-vous que les hommes incestueux et les pédophiles sont uniquement des monstres issus de milieux marginaux ? Si oui, " La loi de Pères " est une lecture nécessaire.
L’auteur, Patric Jean, est aussi cinéaste. Il a signé de nombreux films documentaires dont "Les enfants du Borinage – Lettre à Henri Storck" et "La domination masculine". Cette fois, il écrit. Non pas une histoire sortie de son imagination mais le récit d’une enquête minutieuse sur un sujet des plus douloureux : l’exposition des enfants à l’inceste et à la pédophilie. Et surtout l’aveuglement de la société face à l’ampleur de ces violences loin d’être marginales.
A la lecture du livre de Patric Jean, on prend conscience que des faits très médiatisés - comme l’affaire Matzneff ou les scandales de pédophilie au sein de l’Eglise - ne sont que les sommets visibles d’un gigantesque iceberg.
Et l’auteur de rappeler cette glaçante statistique : selon une étude française menée en 2015 par l’Institut national des études démographiques, entre 3 et 6% des personnes interrogées disent avoir été abusées sexuellement avant la fin de l’adolescence, essentiellement dans le cadre familial. Les plaintes en justice ont augmenté et pourtant, le nombre de condamnations en France pour viols et agressions sexuelles a diminué de 44% en douze ans. L’enquête est française mais, comme l’explique l’auteur, le phénomène semble être du même ordre dans la plupart des pays européens.
Mais d’où vient ce refus de regarder la réalité en face ? C’est tout l’objet de l’enquête de Patric Jean. Il nous démontre avec force références historiques et sociologiques que c’est le fonctionnement patriarcal de la société qui empêche la vérité de sortir de la bouche des enfants. "La remise en question du "pater familias" risque de bouleverser tout l’ordre social".
En infiltrant les groupes masculinistes
C’est lors du tournage de "La domination masculine" que Patric Jean a pris conscience de la situation. Pour les besoins de son tournage, il a infiltré des groupes masculinistes québécois. Ces hommes défendent les privilèges masculins historiques. Ils considèrent la révolution féministe comme une agression dont ils doivent se protéger. Une des références de ces militants est Richard A. Gardner, un psychiatre et psychanalyste américain inventeur du "syndrome d’aliénation parentale". "D’après lui – écrit Patric Jean – 90% des enfants qui dénoncent une agression sexuelle masculine souffrent du SAP de leur mère. Les allégations seraient le produit du désir de vengeance de mères manipulatrices et perverses". Les théories de Gardner n’ont jamais été publiées dans aucune revue scientifique et pourtant, elles ont fait leur chemin atteignant certains magistrats d’Amérique du Nord mais influençant aussi certaines décisions de justice en France et ailleurs.
Les récits
Pour illustrer le ravage provoqué par ce recours au "syndrome d’aliénation parentale", Patric Jean nous livre sept récits rythmant son enquête. Des histoires insupportables mais dont il garantit la véracité. Des histoires différentes et tragiquement identiques. Des enfants (des filles surtout) chez qui des enseignants, médecins, psys ont détecté des signes d’abus sexuels, parfois des séquelles physiques. Et pourtant, leur témoignage a été nié. Plus grave, les mères plaignantes ont vu la justice se retourner contre elles et leur enlever la garde de leurs enfants confiés au père abuseur.
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Déni et légitimation
Mas comment est-ce possible ? La question taraude le lecteur. Tout au long de son enquête l’auteur répond par deux mots : le déni et la légitimation. Le déni, symbolisé par ce recours au "syndrome d’aliénation parentale" bien pratique pour décrédibiliser la parole de l’enfant. La légitimation, attitude très en vogue dans les années 70 et tristement répandue par Matzneff et ses amis affirmant un consentement de l’enfant ou du jeune adolescent.
De l’aveu de l’auteur lui-même, l’écriture de ce livre l’a confronté à une situation qu’il aurait préféré ne pas avoir à décrire : "La plongée dans l’horreur qu’a engendrée l’écriture de ce livre m’a souvent fait espérer que je me trompais et que j’allais un jour découvrir que ce phénomène n’existait pas ou seulement de façon marginale (…). On vit mieux en ne sachant pas..". Mais regarder la réalité en face est une absolue nécessité si on veut que les enfants soient protégés des abus et des violences.
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