La loi contre le sexisme, 3 ans après: un bilan en demi teinte

La loi contre le sexisme, 3 ans après: un bilan en demi teinte

© CC0 - J. Howard Miller

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Par Aurore Kaiser

Une jeune Française qui se fait gifler en rue par un homme. Cette vidéo a fait le tour de la toile. Si cette histoire s'est passée à Paris, le harcèlement sexiste est aussi une réalité en Belgique. Selon l'asbl JUMP, plus de neuf femmes sur dix sont confrontées à des comportements sexistes dans l'espace public. Depuis quatre ans il existe une loi contre cette forme d'agression. Mal connue, réduite au harcèlement de rue, manque d'application, elle n'a conduit qu'à une seule condamnation.

France : vidéo de sexisme et sanctions pour harcèlement

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La loi contre le sexisme a été créée en 2012 par Joëlle Milquet (cdH) à la suite du documentaire "Femme de la rue" de Sofie Peeters. Sous forme d'une caméra cachée à Bruxelles, il condamne le harcèlement de rue. "A partir du moment, où dès que vous faites du harcèlement, vous avez une sanction claire, directe et rapide par l’autorité communale, vous allez voir la diminution de ce genre de pratique qui est inacceptable", déclarait Joëlle Milquet.

Adoptée le 22 mai 2014, elle entre en vigueur le 3 août de la même année. Elle poursuit, pénalement, tout auteur de geste ou comportement qui a pour but d'exprimer un mépris à une personne en raison de son sexe, que ce soit dans la rue, ou même au travail, et dans d'autres lieux publics. L'individu risque un mois à un an de prison et une amende de 50 à 1000 euros. 

Tous les partis politiques ont voté en faveur de cette loi. Tous... sauf la N-VA qui s'est abstenue et le Vlaams Belang qui a voté contre. Ce vote n'a pas été fait au fédéral, la loi ne faisant pas partie de la feuille de route du Gouvernement. 

Mais depuis son application, elle n'a été ni évaluée, ni modifiée. En 2017, seules 14 femmes ont porté plainte pour harcèlement de rue : 8 à Bruxelles, et 6 en Wallonie. Seulement quelques plaintes ont été déposées en Wallonie et à Bruxelles. D'après l'asbl Vie Féminine, 60% des femmes sont pourtant au courant de la législation. Mais seulement 5% d'entres elles osent porter plainte.

Apporter des preuves

La loi reste difficilement applicable car c'est à la victime d'apporter la preuve de son agression (la "charge de preuve"). Mais comme les cas de sexisme sont perpétrés par des personnes inconnues, il est souvent impossible à la personne agressée de se manifester. 

La police jugée humiliante

Selon le magazine Axelle et le questionnaire de l'asbl Vie Féminine, les victimes doivent se rendre au commissariat pour porter plainte. D'après les victimes, la police est jugée incompétente et ne semble pas préoccupée par les problèmes de harcèlement. Pourtant, la police est légalement obligée de prendre la plainte, même s'il y a peu de chance qu'elle passe devant le parquet. Sinon, cela est considéré comme une faute déontologique.

Cependant, ce constat ne touche que 25% des plaignantes. Les 75% restantes se disent "satisfaites". Parmi elles, les Bruxelloises sont plus nombreuses. Cela peut s'expliquer par l'existence de sanctions administratives communales à Bruxelles, et non en Wallonie.

Lutter contre le harcèlement et contre le sexisme

La loi définit le sexisme comme étant "tout geste ou comportement, qui a manifestement pour objet d’exprimer un mépris à l’égard d’une personne, en raison de son appartenance sexuelle, ou de la considérer comme inférieure ou de la réduire essentiellement à sa dimension sexuelle, ce qui porte une atteinte grave à sa dignité".

Elle se réfère aussi à l'article 444 du Code pénalselon lequel sont punis les faits qui se produisent : soit dans des réunions ou lieux publics ; soit en présence de plusieurs individus, dans un lieu non public, mais ouvert à un certain nombre de personnes ayant le droit de s’y assembler ou de le fréquenter ; soit dans un lieu quelconque, en présence de la personne offensée et devant témoins ; soit par des écrits imprimés ou non, des emblèmes ou des images affichées, distribuées ou vendues ou exposées aux regards du public ; soit par des écrits non rendus publics, mais adressés ou communiqués à plusieurs personnes.

Mais dans les faits, cette loi ne s'étend pas plus loin qu'au harcèlement de rue. Le harcèlement en rue vise une ou plusieurs femmes à un moment donné. Le sexisme, vise les femmes de manière générale. La loi contre le sexisme concerne les attaques en rue sur une femme en particulier et non sur toutes les femmes en général. Elle n'a pas été écrite pour interdire les pubs sexistes par exemple. 

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