L’absence d’augmentation du chômage après l’introduction des allocations illimitées dans le temps signifie-t-il qu’à l’inverse, la limitation dans le temps n’aurait aucun effet ? Pour Michiel Segaert, directeur adjoint du service statistiques de l’ONEM, c’est plutôt oui. "Les gens au chômage de longue durée ne vont pas disparaître parce qu’on limite les allocations dans le temps."
"C’est un peu rapide comme conclusion, recadre Muriel Dejemeppe professeure d’économie à l’UCLouvain et spécialiste du monde du travail. Il est clair que l’augmentation du chômage en 1970 provient des chocs pétroliers, des faillites, des vagues de licenciement et donc effectivement ce n’est pas le système qui est responsable du taux de chômage. Mais la littérature scientifique n’écarte pas aussi rapidement l’efficacité d’une fin de droits sur la baisse du taux de chômage."
Pour être concret, il existe probablement autant de systèmes de chômage que de pays qui organisent le chômage. Mais soit ces allocations sont illimitées dans le temps comme en Belgique, soit elles sont limitées dans le temps comme dans de nombreux pays qui nous entourent, comme en France ou aux Pays-Bas.
"En Belgique, le système est en principe illimité dans le temps, et j’insiste sur la formule "en principe", reprend Muriel Dejemeppe. "Nous avons depuis 2004 un système de contrôle des efforts de recherche des chômeurs. Ils sont conviés à des entretiens avec les organismes d’emploi (Actiris à Bruxelles, le Forem en Wallonie) au cours desquels ils doivent prouver leurs efforts de recherche d’emploi. Si au cours de trois entretiens, ils ne parviennent pas à démontrer ces efforts, ils sont exclus du chômage. Le système est donc illimité dans le temps, mais conditionnel." Par ailleurs, ils ne peuvent pas refuser un emploi qui leur conviendrait sous peine d’être exclu temporairement ou définitivement, comme l’indique l’ONEM.
"Chez nos voisins (en France ou aux Pays-Bas), le système est une assurance chômage à durée déterminée avec une fin de droits, compare la chercheuse de l’UCLouvain. À la fin de ce chômage, on bascule alors vers un système d’assistance. C’est un peu comme si chez nous, après une certaine période, un chômeur de longue durée était exclu du chômage et devait s’adresser au CPAS pour obtenir un revenu d’intégration sociale (RIS)."
En effet, en France par exemple, un chômeur en fin de droits peut bénéficier du Revenu de solidarité active (RSA) qui est l’équivalent du RIS belge, même si les montants diffèrent.
Autrement dit, même lorsque le chômeur est exclu du chômage, il ne perd pas l’assistance de l’Etat du jour au lendemain. Et ce ne serait pas le cas non plus chez nous, puisqu’en Belgique, toute personne dans le besoin qui répond à certains critères peut demander l’aide du CPAS. Si l’objectif est de réaliser une économie pour l’Etat en sortant les gens du chômage, le résultat pourrait être timide.
Pour résumer :
- La Belgique n’a pas de limite dans le temps des allocations de chômage, mais peut exclure des chômeurs qui refusent un travail ou n’en cherchent pas assez. Ils peuvent alors demander le revenu d’intégration sociale au CPAS.
- Les pays voisins qui appliquent une limite de temps font basculer les chômeurs en fin de droits vers un système d’assistance tel que le RSA en France.