La Commission européenne est "préoccupée" par la décision du tribunal polonais, a réagi le commissaire à la justice, le Belge Didier Reynders, déclarant que l'UE "utilisera tous les outils" à sa disposition pour protéger la primauté du droit européen qui se trouve "au coeur de l'Union".
La décision "met en cause plusieurs principes fondamentaux de l'organisation de l'Union", a-t-il dénoncé lors d'une conférence de presse à Luxembourg, citant les principes de la primauté du droit européen sur le droit national et du caractère contraignant des décisions de la justice européenne.
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La Pologne et l'UE sont en désaccord sur les réformes judiciaires introduites par le parti conservateur nationaliste au pouvoir Droit et Justice (PiS), qui, selon la Commission, menacent la démocratie et l'état de droit dans ce pays.
À Bruxelles, Jeroen Lenaers, un porte-parole du Parti populaire européen (PPE, conservateur), a déclaré: "trop, c'est trop. C'est une attaque contre l'UE dans son ensemble".
"Honte!", "Traîtres!" et "Bienvenue au Bélarus!", a crié un groupe d'une trentaine de manifestants réunis devant le tribunal après avoir entendu la décision.
"C'est un scandale (...) Ils nous sortent de l'Union européenne!", a regretté Anna Labus, une retraitée, fondant en larmes.
Mais le porte-parole du gouvernement, Piotr Muller, a salué l'arrêt de la Cour, soulignant qu'il confirmait "la primauté du droit constitutionnel sur les autres sources de droit".
Des conséquences sur le versement des fonds de relance?
Le mois dernier, le commissaire européen à l'économie, Paolo Gentiloni, a prévenu que l'affaire judiciaire polonaise pourrait avoir des "conséquences" sur le versement des fonds de relance à la Pologne.
L'UE n'a pas encore approuvé les 23 milliards d'euros de subventions et les 34 milliards d'euros de prêts bon marché prévus pour ce pays.
Le gouvernement polonais a qualifié les propos de M. Gentiloni de "chantage".
Depuis, des responsables européens ont expliqué que l'argent pourrait être déboursé le mois prochain, mais que des conditions strictes seraient posées en échange en matière du respect de l'État de droit.
Différend sur les réformes judiciaires
Le mois dernier, la Commission a demandé à la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) d'infliger des amendes quotidiennes à la Pologne jusqu'à ce qu'elle suspende les réformes judiciaires.
Le différend avec la Commission a porté en particulier sur un nouveau système disciplinaire pour les juges qui, selon l'UE, menace gravement l'indépendance du pouvoir judiciaire en Pologne.
Mais il existe d'autres pommes de discorde, notamment la nomination des juges et leur transfert sans leur consentement entre différents tribunaux ou divisions d'un même tribunal.
La Pologne a déclaré que les réformes étaient nécessaires pour éradiquer la corruption au sein du système judiciaire et a ignoré une ordonnance provisoire de la Cour de justice de l'Union européenne visant à suspendre l'application de ce système disciplinaire.
L'exemple britannique?
Ce conflit a fait craindre que la Pologne ne finisse par quitter l'Union, ce qui pourrait affecter la stabilité de cette communauté d'Etats.
Le vice-président du Parlement, Ryszard Terlecki, a récemment appelé à des "solutions drastiques" dans le conflit. "Les Britanniques ont montré que la dictature de la bureaucratie bruxelloise ne leur convenait pas. Ils ont fait demi-tour et sont partis", a-t-il déclaré.
Mais les Polonais sont majoritairement enthousiastes à l'égard de l'UE, plus de 80% d'entre eux soutenant l'appartenance à l'Union qui a accordé à leur pays des milliards d'euros de subventions et tout son acquis, stimulant ainsi son développement depuis son adhésion en 2004.