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La hausse des tarifs de la SNCB est-elle justifiée ? "La gratuité n’existe pas"

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Par Laurick Ayoub, sur base de l'interview de Sophie Brems

Parmi tous les changements de ce 1er février, et vous l’avez peut-être remarqué ce matin, le prix du ticket de train a augmenté. En effet, dès aujourd’hui, la SNCB adapte ses tarifs. Une augmentation en moyenne de 8,73% qui concerne tant les tickets que les abonnements. La société ferroviaire doit, dit-elle, faire face à la hausse des salaires ou au coût de l’énergie.

© RTBF

Et si notre ticket de train augmente, nous ne payons en réalité qu’une petite partie de ce qu’il coûte vraiment, analyse le professeur en économie du transport à l’UCLouvain Bart Jourquin. "C’est vrai pour les autres moyens de transport publics, également pour le chemin de fer, ce que l’usager paye en moyenne est inférieur à 30% de son véritable coût, le reste étant pris en charge par l’État. Et quand je dis 30%, à l’intérieur de cela, il y a encore une variation. Pour certaines catégories, dont les étudiants, c’est encore beaucoup moins que 30%".

Près d’un étudiant sur cinq dépense en moyenne 500 € par an, c'est ce qui ressort d'une enquête de la Fédération des étudiants francophones (FEF). 

Les gens n’aiment pas payer pour quelque chose

"Plus largement, la mobilité a un coût", poursuit le professeur en économie des transports. "D’abord, les gens n’aiment pas payer pour quelque chose. Ça paraît assez évident. D’autre part, la demande pour le transport est une demande indirecte. L’étudiant prend le train pour aller à l’école, vous vous prenez le train ou votre voiture pour aller travailler. Donc ce n’est pas un objectif en soi. Et donc le coût qui est lié à ça, les gens évidemment, essaient de le minimiser", indique Bart Jourquin.

"La gratuité n’existe pas"

Comme d’autres, la FEF plaide pour la gratuité des transports depuis plusieurs années. Le train gratuit pourrait-il être une bonne solution ? "La gratuité n’existe pas", assure d’emblée Bart Jourquin. "Si on met en place une gratuité pour l’utilisateur final, il y a bien quelqu’un qui devra payer", en l'occurrence l'État belge puisque le chemin de fer est encore fédéral, précise le spécialiste. "Mais la gratuité n’est pas un bon signal pour nous, en tout cas pour l’ensemble de la population. On peut éventuellement moduler en fonction d’un certain nombre de groupes cibles. Mais la mobilité, d’abord, elle a un coût. Ça, c’est une première chose. Deuxième chose, c’est que si vous rendez le transport gratuit, vous allez augmenter la demande vers le transport à un moment donné", ajoute-t-il.

Et d'après lui, on bouge beaucoup plus aujourd'hui qu'il y a 30 ans. "La mobilité s'est accrue de manière bien plus importante que la croissance économique. Donc à un moment donné, il y a un problème à ce niveau-là. Il y a une trentaine d’années, la SNCB avait proposé sous l’influence du gouvernement un billet presque gratuit pour les seniors pour se rendre en train à n’importe quel moment pour 2,50€ - 200 francs belges à l’époque. L’idée étant d’amener vers le train des gens qui d’habitude ne le prennent pas pour aller voir la famille, pour faire des courses. Ce sont finalement des gens qui étaient plutôt de classe moyenne ou des gens de classes aisées qui ont pris le train pour aller passer une journée à la mer et aller manger un moule frite et jouer au casino. Et donc, ces gens n’avaient pas spécialement besoin de ce type de déplacement". 

De quoi provoquer un effet pervers pour le spécialiste, avec des wagons tellement remplis qu'il a fallu mettre en place des trains supplémentaires. "Donc ça a eu un coût énorme pour pouvoir rendre le service voulu aux gens qui prenaient habituellement le train". 

Une augmentation des tarifs qui laisserait présager un meilleur service à l’avenir ? L’année dernière, la ponctualité des trains a plongé sous les 90%.

Le professeur en économie des transports se montre optimiste. "La SNCB réagit, il faut le reconnaître, de mieux en mieux par rapport à ce type de problématique. Effectivement, les gens sont prêts à payer pour un service de qualité et vous préférez payer un peu plus pour un train confortable arrivant à l’heure dans lequel il y a un accès Wi-Fi, par exemple, pour lesquels on a aussi un système de gare dans lequel il y a des services qui peuvent être rendus : une supérette, un boulanger, des choses dont on peut profiter de son voyage pour pouvoir les faire. Ils préfèrent payer alors un service de qualité qu’à la limite avoir un train gratuit, mais qui n’est pas confortable, qui n’arrive jamais à l’heure", réagit Bart Jourquin.

Quoi qu’il en soit, le prix des tickets ou abonnements de train peut sembler cher pour certains. Quel serait alors le juste prix ? "Il faut tarifer au coût marginal" souligne le spécialiste. Explications. " L’idée c’est de se dire que le prix qu’on doit payer, c’est ce que ça coûte à l’entreprise de prendre un passager supplémentaire", dit-il. 

"Par exemple, vous prenez un bus qui a 70 places et vous avez 69 personnes dans votre bus. Prendre un passager supplémentaire, ne va pas vous coûter grand-chose". Mais cela aura tout de même un coût, estime le professeur. "Cela va quand même coûter quelque chose. Donc on n’est déjà pas dans la gratuité. Mais prenez le même bus, vous avez maintenant votre septantième passager, et vous en avez un de plus qui veut rentrer. Ce n’est pas possible. Vous êtes obligés de mettre en place un deuxième bus", explique le spécialiste de la mobilité et professeur en économie. "Alors évidemment, le coût pour pouvoir transporter ce passager supplémentaire sera beaucoup plus important".

Mais alors, le prix du ticket de train en Belgique est-il le plus juste possible ? "On est dans la bonne moyenne européenne. Et quand on voit que l’État intervient quand même pour au moins 70% du prix du billet… Je sais bien que ce n’est pas gai d’avoir une augmentation de prix, mais je pense que ce n’est pas une catastrophe interplanétaire non plus".

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