Le débat resurgit à chaque grande grève. Faut-il ou non instaurer un service minimum? D’un côté, des arguments pour dire que la grève est un moyen d'action d'un autre temps, que les syndicats devraient se renouveler et, surtout, que les grévistes n'ont pas le droit d'interdire aux autres de travailler. De l'autre ce rappel historique: la grève est le premier moyen pour la classe ouvrière d'exprimer des revendications et d'obtenir gain de cause. Çela a longtemps été le seul. Empêcher la grève c'est limiter la démocratie. Dans les dictatures, c’est d’ailleurs plus simple: la grève est purement et simplement interdite (et il faut se rappeler qu'en Belgique la grève fut interdite par le code pénal jusqu'en 1921) .
La grève un droit historique ?
Les syndicats ont raison de le souligner: c’est à la suite de grèves que les ouvriers obtiennent la journée de 8 heures ou les congés payés par exemple. Une grande lutte qui remonte à la fin du 19e siècle. C'est au 1er mai 1886, lorsque qu'une grève dégénère aux Etats-Unis parce que la police tire sur les ouvriers qui manifestent, qu’on peut situer le tournant de l’histoire ouvrière. Les premières grèves repérées par les historiens remontent à l'antiquité. En Égypte les ouvriers qui construisent la pyramide de Khéops cessent le travail parce qu'on a modifié le contenu des rations de nourriture (on voulait faire des économies sur l'ail). La grève est donc bien un droit historique. Et il est effectivement lié à de grandes avancées sociales qui n'auraient sans doute jamais existé s'il n'y avait pas eu de grèves.
"La défense des services publics ": un mort d'ordre plus politique que syndical?
Toujours d'un point de vue historique, l'action syndicale ne se limite pas aux murs d’une entreprise donnée. Le terrain politique au sens large fait partie du champ d’action que se sont données depuis toujours les organisations de travailleurs. Il faut se rappeler que les mouvements ouvriers sont, dès l’origine, multiformes: parti, syndicat, bourse du travail... ne forment qu’une seule et même organisation. Scinder l’action sociale de l’action politique, est, de ce point de vue, parfaitement artificiel.
Vouloir plus de service public, ou au contraire, penser que l’initiative privée donne de meilleurs résultats sont des positions politiques. Vouloir, par la régulation, plus ou moins de pouvoir d'achat, est aussi une position politique. Et même chose pour la limitation du temps de travail. Dire d'un syndicat qu'il fait de la politique est une tautologie. Si on en revient à la Belgique, les grèves les plus connues, celles de l'hiver 1960 sont lancées pour s'opposer au programme d'austérité du gouvernement de Gaston Eyskens. Elles dureront 6 semaines. Très suivies en Wallonie et beaucoup moins en Flandre. Le gouvernement va faire appel à l'armée, il y aura 4 morts. C’était déjà, à l’époque, une grève politique.