La grève de mon père, un docu-fiction de Robert Scarpa

Le syndicaliste FGTB André Renard harangue les foules

© Tous droits réservés

Par FP via

Robert Scarpa imagine un conte où il redonne une chance à l‘histoire
à travers le personnage d’un père italien qui se lance,
après des réticences, à corps perdu dans la bataille.

Son fils, le narrateur - incarné par Christian Crahay - nous raconte la grève de son père qui fut, aux yeux de l’enfant qu’il était, son plus beau cadeau de Noël.

 

La fiction est entrelacée aux archives d’époque qui viennent la relancer et lui donner son cachet particulier.
Une vingtaine de voix d’archives interviennent, d’André Renard, leader de la FGTB à l’époque ces événements, à Léo Collard, président du parti socialiste, Gaston Eyskens, premier ministre et au Roi Baudouin qui s’était marié le 15 décembre et avait interrompu son voyage de noces en Espagne pour revenir dare-dare dans une Belgique immobilisée.
 

Un voyage entre le réel et sa relecture, plus de 50 ans après.

Une réalisation en deux parties, de Pascale Tison, Robert Scarpa et Pierre Devalet

Avec Christian Crahay, Jo Deseure et Angelo Bison

Avec l’aide du Fonds d’aide à la création radiophonique.

Diffusion Par Ouï-dire
_______________________

Ecoutez les deux épisodes de La grève de mon père !

La grève de mon père, 1e partie

Pour voir ce contenu, connectez-vous gratuitement

La grève de mon père, 2e partie

Pour voir ce contenu, connectez-vous gratuitement

______________________________

Loading...

Quelques extraits :

Le 14 décembre, 20.000 manifestants à Bruxelles, 45.000 dans le Hainaut et 70.000 dans la province de Liège. Toute la Wallonie et certains centres industriels flamands sont en arrêt de travail.

Je suis dans la maison de ma mère qui vient de décéder. Je dois tout vider. Dans sa commode, je retrouve des lettres de mon père. La première date de 1961, quelques semaines après la fin de la grève, celle qu’on a appelé la grève du siècle. Ces lettres me replongent dans mes 14 ans. C’est loin. Ça fait mal.

Mes parents s’appelaient Giovanni et Arlette. J’ai toujours trouvé que ces deux prénoms n’allaient pas ensemble. Pendant longtemps, j’aurais préféré qu’ils soient tous les deux belges ou tous les deux italiens.

(bruit de trains dans le lointain)

 

Pour savoir qui j’étais, je montais sur le terril et j’allais regarder les trains qui roulaient de l’autre côté de la Meuse, sur la ligne Paris-Cologne. Je les comptais : ceux qui allaient vers Cologne, c’était pour ma mère ; ceux qui allaient vers Paris, c’était pour mon père.

(...)

Le mariage du Roi Baudouin le 15 décembre 1960

(Manifestation)

Cris de foule, tambours, trompettes de supporters, sifflets, slogans émis par des haut-parleurs et repris par la foule. Musique de fanfare et chants : le Chant des Wallons, Valeureux Liégeois, l’Internationale.

Dans ma tête, la première grande manifestation du 14 décembre se mélange avec le mariage du roi Baudouin. Peut-être parce que le syndicat avait d’abord programmé la manifestation le jour du mariage, pour bien montrer la distance entre la royauté et les travailleurs.

Place Saint-Lambert à Liège, on était, paraît-il, 50.000. Les gens étaient venus à pied de partout. Et moi de Seraing avec mes copains de classe. Sur les banderoles, on lisait " Loi Unique, loi inique ", ou bien "Loi Unique, loi de malheur ".

Nous suivions un cercueil en bois surmonté d’un écriteau " Réservé à la Loi Unique ", juste devant une fanfare. Même si c’était l’hiver et qu’il faisait froid, les trottoirs étaient remplis de monde pour nous regarder défiler. Les gens applaudissaient et rigolaient en voyant le cercueil. Ils lançaient des blagues sur la Loi Unique et sur le premier ministre catholique Gaston Eyskens.

(...)

Le Premier Ministre Gaston Eyskens déclare que la perte du Congo l'oblige à demander des sacrifices au Pays : c'est la « Loi Unique ».

Roi Baudouin : " Et que Dieu protège tous ceux qui vous sont chers." (Roi Baudouin, Archives RTBF)

Mais Dieu a seulement protégé le gouvernement. Il n’a protégé ni mon père, ni le mariage de mes parents, ni les travailleurs qui réclamaient plus de justice sociale. Il n’a même pas protégé André Renard qui est mort un peu après les grèves. C’était le chef des syndicalistes wallons.

André Renard : " Et bien camarades, la Loi Unique tourne le dos aux formules que nous estimons devoir être appliquées. La Loi Unique, une fois de plus, frappe le petit. La loi est mauvaise dans son tout et c’est la Loi Unique toute entière que nous entendons rejeter " - Applaudissements de la foule (André Renard, in La Belgique ouvrière 1)

(...)

 

La grève, plus suivie en Wallonie, aura une dimension régionaliste et influencera l'avenir institutionnel du pays

Le soir du 21 décembre, 150.000 ouvriers et employés étaient en grève.

En deux jours, toute la Belgique s’est arrêtée : les administrations communales et provinciales, les écoles, les usines, les charbonnages, les trains, les grands magasins, les facteurs, les éboueurs et même les cinémas. Le port d’Anvers était bloqué. Il n’y avait presque plus d’électricité. Les journaux n’ont paru que sur 4 pages. Même le championnat de football a été arrêté.

Pour entrer à Liège en voiture, il fallait un laissez-passer du syndicat.

 

Ma mère n’a rien osé dire parce que beaucoup d’ouvriers catholiques faisaient la grève et elle ne devait plus nettoyer ses fenêtres tous les jours : il n’y avait plus de flammes dans les hauts-fourneaux, plus de fumée dans le ciel, plus de poussières sur les carreaux.

(...)

___________________________________

Retour sur les faits

Dès qu’elle a connaissance de son contenu, la FGTB attaque fermement le projet de Loi Unique.

27 septembre 1960 : le Premier ministre Gaston Eyskens dévoile devant  la Chambre les grandes lignes d’un vaste programme d’austérité. C’est la "loi unique". Loi inique, selon ses détracteurs.

Face aux hausses d’impôts et aux ponctions dans les caisses de la Sécurité sociale, les réactions ne se font pas attendre : manifestations, arrêts de travail, du nord au sud du pays. Le mouvement ne tarde pas à se radicaliser, principalement dans les bassins industriels wallons. D'abord déclenché dans les services publics, le mouvement se propage rapidement dans tous les secteurs de Wallonie et dans les grandes villes de Flandre.
 

Début décembre 1960, c’est la grève générale. La "grève du siècle", quasiment insurrectionnelle, qui va durer 5 semaines.
 

A la mi-janvier 1961, le texte est quand même voté au Parlement, mais le gouvernement Eyskens n’aura pas le loisir de l’appliquer : les Chambres sont dissoutes et un nouvelle coalition rouge romaine prend les rênes du pays. Exit donc la loi unique. 

Il n'empêche, l’hiver 60, avec son début d’insurrection, avec ses quatre morts, va laisser des traces. 

______________________________

VIDEO - EN 1998, Willy Estersohn, pour le magazine d'histoire 'Les Années belges', revient sur la grève du siècle.

Loading...

VIDEO - JT du 20/12/2000, séquence sur les 40 ans de la grève de 60

Loading...

Lisez aussi cet article de La Libre qui revient sur les grandes dates de la grève de 60 :
Les cinq semaines qui ébranlèrent la Belgique >

______________________________

 

 

Inscrivez-vous à la newsletter LaPremière!

Info, culture et impertinence au menu de la newsletter de La Première envoyée chaque vendredi matin.

Articles recommandés pour vous