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La France ouvre le don de sang aux hommes homosexuels, et la Belgique ? "Elle a un train de retard"

Les associations LGBT luttent depuis des années pour mettre fin à cette distinction à l’entrée des centres de dons de sang.

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Par Guillaume Guilbert via

En France, les hommes homosexuels pourront désormais donner leur sang comme tout le monde, sans devoir se soumettre à une période d’abstinence, comme c’était le cas jusqu’à présent. En Belgique, on n’en est pas encore là.

C’est un haut fonctionnaire du ministère français de la santé qui l’a annoncé : fini les références à l'orientation sexuelle dans les questionnaires qui précèdent les dons de sang. "Toute personne arrivera comme un individu donneur", a-t-il précisé.

Les associations LGBT luttent depuis des années pour mettre fin à cette distinction à l’entrée des centres de dons de sang. Dans le passé en France, les hommes homosexuels (cela ne concerne pas les femmes) étaient interdits de dons de sang car on estimait qu’ils présentaient un risque élevé de transmission du VIH. Depuis 2016, ils peuvent donner leur sang, mais à condition de passer par une période d’abstinence de 4 mois (depuis 2019, auparavant c’était un an). Avec cette nouvelle décision, la période d’abstinence passe à la trappe et l’orientation sexuelle ne sera plus mentionnée dans les documents d’inscription. Cela entrera en vigueur le 16 mars prochain.

Et en Belgique ?

On n’en est pas encore là. Chez nous, avant 2017, il était tout simplement interdit pour les hommes ayant des relations avec d’autres hommes de donner leur sang. En 2017, la loi a changé : les homosexuels peuvent donner leur sang à condition de respecter une abstinence d’un an. "C’est souvent vécu comme une violence pour les personnes qui veulent donner leur sang, explique Stephen Barris, coordinateur d’Exaequo, une ASBL de promotion de la santé qui lutte contre la transmission du VIH chez les hommes homosexuels. Car c’est une situation de la vraie vie où ils subissent une discrimination par rapport à leur orientation sexuelle. Alors qu’être homosexuel, cela ne veut pas dire qu’on a forcément de multiples partenaires".

Exaequo a d’ailleurs interpellé à ce sujet le gouvernement belge via le Conseil des droits de l’Homme de l’ONU. L’ASBL remet en question deux éléments : la mention de l’orientation sexuelle à l’inscription et la période d’abstinence. D’après Thierry Delaval, membre de Arc-en-ciel Wallonie qui suit le dossier depuis des années, beaucoup renoncent à donner leur sang quand on leur parle de cette abstinence d’un an : "Selon les chiffres que j’ai pu avoir, il n’y a que 53 personnes en Belgique qui sont allées jusqu’au bout de la procédure ". Cela pose effectivement question quand on voit les appels réguliers aux dons lancés par la Croix Rouge.

Un an, c’est complètement disproportionné 

Cela ne veut pas dire que les associations LGBTQI nient l’argument de sécurité sanitaire avancé par les autorités pour justifier leur règlementation. Mais pour Thierry Delaval, la durée d’un an de période d’abstinence est trop prudente : "Il y a effectivement une fenêtre d’incertitude de neuf jours pendant laquelle les tests du sang prélevé par la Croix Rouge ne permettent pas de détecter une éventuelle infection, c’est ce qui explique cette exclusion. Douze mois alors que la période d’incertitude est de neuf jours en moyenne, c’est complètement disproportionné ".

Même du côté de la Croix Rouge, on admet que ce délai est très long : "On est conscient que c’est très long et que cette restriction reste très forte pour tout homme ayant un rapport avec un autre homme ", expliquait à la RTBF Thomas Paulus, porte-parole du service sang de la Croix-Rouge. Mais il rappelle que cette abstinence d’un an peut aussi être imposée à des personnes hétérosexuelles qui présenteraient un "comportement sexuel entraînant un risque accru de contraction d’une maladie infectieuse transmissible par le sang ".

Les comportements plutôt que l'orientation

Ce que les associations remettent en question, c’est le fait que cette règle concerne tous les hommes homosexuels, sans exception. "Nous demandons que le questionnaire ne fasse plus mention de l’orientation sexuelle, mais qu’il mentionne les comportements sexuels et que le critère en cas d’abstinence soit le même pour tout le monde, détaille Stephen Barris. C’est-à-dire que si tu as eu plusieurs partenaires, tu devras passer par une période d’abstinence avant de donner ton sang, que tu sois hétéro ou homo ". Cela permettrait, par exemple, aux homosexuels en couple (et fidèles), de donner leur sang sans abstinence.

Arc-en-ciel Wallonie, la fédération wallonne des associations LGBTQI, a introduit un recours contre la réglementation belge à la Cour Constitutionnelle. Cette dernière a demandé à notre gouvernement d’au moins autoriser le don de plasma aux hommes homosexuels. Le plasma est un des composants du sang qui a l’avantage de pouvoir être réfrigéré. L’idée est donc de congeler le plasma provenant d’un don, et de re-tester la personne au niveau VIH et MST lors de son don suivant. Si la personne ne présente aucun risque, le plasma congelé quelques mois plus tôt peut être récupéré et utilisé. La Belgique n’a pas suivi ces recommandations, mais un projet de loi à ce sujet est actuellement en examen à la Chambre.

Mais pour Thierry Delaval, la Belgique doit aller plus loin. "La France vient de franchir le cap, le Royaume-Uni l’a fait en juin dernier, les Pays-Bas vont dans le même sens, le Portugal l’a fait, d’autres pays comme l’Espagne ou l’Italie ont d’autres modalités qui font que ce critère d’exclusion n’existe pas chez eux. Donc la Belgique a un train de retard par rapport à ses voisins. C'est dommage car la Belgique a été la pointe par rapport à l'ouverture des mariages ou l'adoption par les couples homosexuels, mais au niveau de la santé, elle est dans les derniers de la classe". La décision de la France va-t-elle faire bouger les lignes en Belgique ? L'avenir nous le dira.

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