Flandre

La Flandre envisage des caténaires autoroutières pour les camions électriques

© VIL / Siemens

En Flandre, des caténaires placées sur les autoroutes peuvent faire partie de la solution pour rendre le transport de marchandises moins dépendant des combustibles fossiles. Les camions électriques peuvent en effet puiser leur énergie de ces caténaires. Telle est la conclusion de la Plate-forme flamande d’innovation pour la logistique (VIL) à partir des résultats intermédiaires du projet Logibat.

Dans ce projet, le VIL étudie les conditions opérationnelles et économiques pour rendre possible le transport électrique et évaluer quelles sont les exigences pour déployer un réseau de recharge national, tant chez les expéditeurs et les dépôts qu’aux arrêts (semi) publics. Ce Catenary Electric Road System (ERS) doit compléter les points de recharge fixes pour camions dans les dépôts et le long des autoroutes.

À cette fin, la plate-forme collabore avec l’Université d’Anvers et avec une trentaine d’entreprises, parmi lesquelles les ports d’Anvers et de Gand et les constructeurs d’automobile Renault, Volvo et Scania. Ensemble, ils examinent le rôle que les entreprises de logistique peuvent jouer dans les nouveaux modèles commerciaux.

Des camions électriques avec une autonomie sont déjà une réalité

"Le développement spectaculaire de la technologie des batteries permet à la voiture électrique à batterie d’apporter une contribution substantielle au transport routier," déclare Sophie Delannoy, chef de projet.

"Des camions électriques avec une autonomie de plusieurs centaines de kilomètres sont déjà une réalité", ajoute-t-elle. "Les constructeurs ont passé la phase de pionniers et font leurs premiers pas vers la production en série. En même temps, des giga usines sont construites en Europe pour la production de batteries." Sophie Delannoy continue : "En partie en raison de l’évolution favorable des prix, cette technologie a de bonnes chances d’avoir une relative percée rapide. De plus, les réglementations de plus en plus strictes et la pression croissante pour devenir plus durable obligent le secteur de la logistique à réfléchir à nouveau. En équipant les camions électriques d’un pantographe, comme celui d’un train ou d’un tramway, ils peuvent non seulement rouler sans émission, mais en même temps recharger leurs batteries tout en roulant via caténaires."

Modèle de calcul

Raimonds Aronietis, économiste de transport à l’Université d’Anvers, a développé un modèle de calcul spécifiquement pour la Flandre. Afin d’avoir une couverture régionale, ce modèle prend en compte, entre autres, l’agencement du réseau routier, la répartition des hubs logistiques et des zones industrielles, les volumes de trafic sur les autoroutes, les performances des différents types de véhicule et leurs caractéristiques économiques, les coûts de construction d’un système de câbles aériennes et les prix de l’énergie. Selon ce modèle, chaque euro investi aujourd’hui dans ce système peut rapporter jusqu’à 8,3 d’euros sur une période de vingt ans.

"L’investissement pour une couverture étendue en Flandre nécessaire moins que 2 milliards d’euros. Ça semble beaucoup, mais reste assez modeste, car il ne concerne que 0,8% du produit intérieur brut en Flandre," précise Aronietis.

Selon le VIL, le réseau caténaire bénéficiera également largement de son utilisation par le trafic international de marchandises. "Ceci peut être un moyen rentable de décarboner le fret par route, tant pour les transporteurs que pour l’opérateur du réseau. Les coûts seront inférieurs à ceux des autres solutions au diesel. Lorsque – en combinaison avec des bornes de recharge – un réseau de couverture est disponible, les trucks peuvent être équipés de packs de batteries plus légers et la capacité des batteries sera moins utilisée," explique Delannoy.

Cela signifie que la couverture peut ne pas être limitée à la Flandre, sauf pour les camions qui n’ont pratiquement pas à circuler en dehors de la Flandre. "Les calculs montrent qu’avec un large déploiement d’un réseau de lignes aériennes, même avec la plus petite capacité de batterie de 100 kWh, presque tous les sites industriels en Flandre resteront accessibles," affirme Delannoy.

© VIL / Siemens

Expérience allemande

L’un des participants au projet est Siemens Mobility, qui a déjà accumulé une expérience considérable dans ce domaine, grâce à des essais sur les autoroutes allemandes et à des recherches au Royaume-Uni, au Canada et en Suède, entre autres.

En Allemagne, le tronçon entre Francfort et Darmstadt de l’autoroute A5 est déjà équipée de caténaires. "Forts de notre longue tradition d’électrification ferroviaire, nous développons les 'eHighways' depuis plus de dix ans. Plusieurs projets ont déjà été développés en Allemagne. En Flandre, nous pouvons déjà rechercher les itinéraires les plus appropriés pour des projets similaires, par exemple dans les zones portuaires," explique Pol Caby, CEO de Siemens Mobility.

Et les chemins de fer ?

"Les eHighways ? Ils existent déjà. Ça s’appelle juste des chemins de fer," réagit laconiquement Paul Hegge, porte-parole du Belgian Rail Freight Forum, l’association des opérateurs belges de fret ferroviaire. Il ne remet pas en cause l’utilité économique des caténaires, mais estime que d’autres mesures ont une priorité plus élevée.

"D’ici 2030, nous devons réduire drastiquement les émissions de CO2 des camions, sinon nous aurons des problèmes. L’écologisation du transport routier est nécessaire. Mais pourquoi équiper toutes les routes de caténaires ? Avons-nous vraiment construit des milliers de kilomètres de voie électrifiée sous-utilisée pour transférer cet investissement massif sur routes asphaltées," se demande Paul Hegge. "Le chemin de fer est plus vert et six fois plus économe en énergie que n’importe quel camion, en raison de la plus faible résistance au frottement de l’acier sur l’acier, la majorité des voies est électrifiée et les trains émettent moins de poussière fine."

Nous ferions une erreur folle si nous n’optimisions pas d’abord ce qui est juste devant nous

"L’électrification des autoroutes ne résoudra pas le problème de congestion. Ensuite, sur base de la croissance actuelle des transports d’ici 2030, nous allons faire la queue à l’électricité dans les embouteillages", ajoute le porte-parole du Belgian Rail Freight Forum.

Selon lui, "nous ferions une erreur folle si nous n’optimisions pas d’abord ce qui est juste devant nous. Une fraction des 2 milliards d’euros proposés peut porter le réseau ferroviaire belge à un tout autre niveau et aider les entreprises à mettre massivement leurs conteneurs dans le train. Plusieurs études confirment que chaque euro investi dans le transfert modal vers le rail est rentabilisé dix fois plus en revenus et en coûts évités en termes de climat, de congestion du trafic et de pollution de l’air."

Plus d’attention sur le rail

"C’est dans la nature humaine de s’intéresser davantage aux choses nouvelles et flashy qu’aux solutions évidentes", déclare Paul Hegge. "Mais en partie à cause de cela", ajoute-t-il," nous nous trouvons maintenant dans une crise climatique. Le rail est un vieux mode de transport. Pourtant le train de marchandises actuel est plus respectueux du climat que le camion électrique le plus sexy."

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