Monde Europe

Peu d'embouteillages, université gratuite… la Finlande, le pays le plus heureux au monde ?

La proximité avec la nature favoriserait la sérénité et le bonheur.

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Par Benjamin Carlier

La Finlande est le pays où l’on serait le plus heureux au monde. C’est ce qui ressort du rapport de l’ONU intitulé "World Hapiness Record". Depuis 2012, les Nations unies comparent 156 pays selon le niveau d’épanouissement de ses habitants. Un rapport qui repose sur un ensemble de sondages qui prend en compte les notes attribuées par les habitants de divers pays, sur une échelle de 0 à 10. Pour objectiver ce ressenti, l’étude a également examiné le PIB par habitant, les aides sociales, l’espérance de vie, les libertés individuelles ou encore la générosité et l’absence de corruption.

C’est la deuxième année consécutive que le pays qui prendra la présidence de l’Union européenne le premier juillet prochain se classe en tête des pays les plus heureux. Derrière la Finlande, on retrouve d’autres pays nordiques comme la Norvège, le Danemark ou encore l’Islande. La Belgique se trouve, elle, à la 18e place de ce classement, en recul de deux places. Mais qu’est-ce qui explique que l’on est aussi heureux en Finlande ? Comment ces habitants définissent-ils le bonheur ?

Une capitale jamais embouteillée

Helsinki ne connaît presque jamais d'embouteillage.
Helsinki ne connaît presque jamais d'embouteillage. © Tous droits réservés

Pour essayer de mieux cerner les Finlandais et leur fameux bonheur, il faut commencer par une petite promenade dans la capitale Helsinki. A 8 heures du matin, en pleine heure de pointe, pas un klaxon ni de coup de frein brusque. Les embouteillages sont un mot presque inconnu dans la ville de 650.000 habitants. Ici, cyclistes, piétons, trams et voitures se croisent sans problème ni congestion. La circulation en ville est facilitée pour les transports en commun dont l’offre est abondante. Seuls les automobilistes qui n’ont pas d’autres choix que la voiture pour pénétrer dans la capitale utilisent encore leur véhicule. D’ailleurs, la radio publique nationale diffuse très rarement des bulletins d’information sur le trafic sauf en cas de tempête de neige.

L’université gratuite pour tous

Autre élément important dans le bonheur des Finlandais, la gratuité de l’enseignement. Et cela concerne l’enseignement maternel jusqu’à l’université. Il n’existe aucun frais d’entrée ni de minerval. Exemple à l’université d’Altoo située à Espoo dans la banlieue de la capitale.

Un campus ultramoderne qui accueille 12.000 étudiants. Un chiffre en croissance constante. A la cafétéria de l’un de ces bâtiments, nous rencontrons, Sio, 20 ans, étudiant en économie. Il nous détaille son budget mensuel pour étudier : "Je ne paie aucun frais d’inscription. Seuls les livres sont payants et encore, dans leur version papier pas numérique. Pour mon logement, il faut compter plus de 300€ par mois sur le site de l’université mais je bénéficie d’une bourse donc cela me revient à une soixantaine d’euros seulement."

Revers de la médaille par contre, si l’université est gratuite, elle n’est pas accessible à tout le monde. La réussite d’un examen d’entrée est obligatoire. Et dans le cas de Sio, par exemple, les chances d’accéder aux études d’économie étaient assez minces : "Le taux de réussite pour l’examen d’entrée en économie se situe aux alentours de 5%. Mais quand on veut vraiment y arriver, il suffit de juste bien se préparer."

Cela permet d’avoir uniquement des étudiants extrêmement motivés et qui ont toutes les chances de réussite. Car les universités finlandaises tiennent absolument à conserver leur très bonne réputation sur le plan international. Ici à Espoo, on se situe dans le top 20 mondial.

"Il existe différentes formes de bonheur"

Pour ce philosophe finlandais, il existe différents types de bonheur. La Finlande n'excelle pas dans tous les types différents.
Pour ce philosophe finlandais, il existe différents types de bonheur. La Finlande n'excelle pas dans tous les types différents. © Tous droits réservés

Dans l’université concurrente, celle de la capitale Helsinki, le bonheur est même devenu un sujet d’étude. Pas encore de cours spécifiquement dédié à la question, mais Antti Kauppinen, qui enseigne la philosophie, organise régulièrement des conférences sur le sujet. Et pour lui, la définition même du mot bonheur est déjà sujette à interprétation : "Si pour vous le bonheur c’est d’avoir le sourire aux lèvres au quotidien, alors peut-être que la Colombie est mieux classée que la Finlande. Si vous parlez d’un état qui offre des services de qualité à ses citoyens. Un état sûr, stable, où la corruption est très peu présente et où vous pouvez faire confiance à la plupart des gens, alors la Finlande performe dans ce domaine."

Quand on pense au bonheur en Finlande, on ne peut s’empêcher de penser au taux de suicide record que détenait le pays dans les années nonante. Un chiffre qui a baissé de moitié selon les dernières données de l’Organisation Mondiale de la Santé grâce à des campagnes de santé publique selon les autorités de santé publique. Mais le bonheur du pays ne se calculerait de toute façon pas en fonction du taux de suicide : "Dans une société qui se veut très égalitaire comme la Finlande où l’on trouve beaucoup de gens heureux, ceux qui ne le sont pas sont encore moins heureux que dans une société plus mixe. Car ils souffrent de la comparaison. Ils se sentent donc plus mal que dans une société qui serait plus inégalitaire."

Plus de trois millions de saunas

Le Sompa Sauna est un sauna communautaire géré par ses utilisateurs.
Le Sompa Sauna est un sauna communautaire géré par ses utilisateurs. © Tous droits réservés

Autre lieu idéal pour mesurer la température du bonheur finlandais, c’est bien sûr le sauna. Il y a bientôt 10 ans, des habitants d’Helsinki en ont construit un sur un terrain abandonné près de la mer Baltique. Le Sompa Sauna est ouvert 7 jours sur 7 et 24 heures sur 24. Gratuit, il est géré uniquement par ses utilisateurs. Saara Louhensalo, une des initiatrices du projet explique son mode de fonctionnement : "Le lieu est gratuit et ouvert à tous. Si le sauna n’est pas chauffé, vous êtes prié d’aller chercher du bois dans la réserve et d’allumer le feu. Le bois provient de dons de chantiers aux alentours. Cela fonctionne car ici tout le monde s’implique et met la main à la pâte quand nécessaire."

Les Finlandais sont très respectueux et dignes de confiance. Dans ce sauna communautaire, aucun vol ni vandalisme n’ont jamais été déplorés. Les utilisateurs s’impliquent et respectent son fonctionnement. Même la ville d’Helsinki qui était très réfractaire à la construction de ce sauna sauvage à son origine a accepté son implantation et en fait aujourd’hui sa promotion auprès des touristes.

A l’intérieur de la cabane en bois, il fait plus de 80 degrés. Les Finlandais y restent quelques minutes avant de se jeter dans la mer à 17 degrés seulement. Ils apprécient l’endroit de détente et viennent en général entre amis pour discuter et boire un verre. Mais les critiques contre l’étude de l’ONU sont rares, même ici. La plupart des Finlandais que nous avons rencontrés estiment être chanceux de vivre dans le pays.

Pourtant, en avril dernier, ils ont exprimé leur ras-le-bol contre leur gouvernement. Le parti "les vrais Finlandais" a doublé son score aux élections législatives. Le parti d’extrême droite est devenu la deuxième force politique du pays avec un siège de moins que le premier parti. Le classement de l’ONU sur les pays les plus heureux au monde se base notamment sur des sondages réalisés entre 2015 et 2017. Les résultats de cette élection signifient-ils que le bonheur des Finlandais devrait être revu à la baisse. Ce n’est en tout cas pas l’avis d’Emilia Palonen, politologue à l’université d’Helsinki : "Les Finlandais sont peut-être heureux mais déçus par le monde politique. Ces dernières années, de nombreuses économies ont été réalisées dans différents secteurs et administrations. Le changement climatique a aussi été par le parti des vrais Finlandais pour dire à l’électeur : regardez nous vivons dans un pays où il fait bon vivre. Pourquoi faudrait-il changer les choses à cause du réchauffement climatique."

Loger tous les sans-abri d’ici 10 ans

Cela fait maintenant plus d'un an que ce sans abris s'est vu attribué un logement sans condition.
Cela fait maintenant plus d'un an que ce sans abris s'est vu attribué un logement sans condition. © Fabienne Kinzelman

L’extrême droite a mené campagne contre l’immigration et les dépenses de l’Etat. Mais un sujet qui n’a pas fait l’objet de leurs attaques, c’est la lutte contre les sans-abri. A quelques minutes de tram du centre d’Helsinki, nous avons rendez-vous avec Kaai. Un ancien sans domicile fixe de 64 ans qui a vécu plus de 10 ans dans la rue. Depuis l’année dernière, il est locataire d’un appartement : "Je me suis présenté un jour auprès des banques alimentaires pour obtenir de la nourriture et un travailleur social m’a proposé de m’installer dans un logement. A l’époque, je buvais beaucoup. Mais aucune condition n’a été demandée pour que je puisse avoir un endroit où habiter."

L’objectif de la Finlande est d’offrir un toit à tous les sans-abri d’ici 10 ans. Et pour l’instant, le programme montre de beaux résultats. 80% des sans-abri restent dans leur logement. Seule condition pour ne pas retourner dans la rue, payer son loyer : " C’est très motivant pour les sans-abri de savoir qu’ils ont leur propre appartement où ils peuvent déposer leurs affaires. Le contrat de location est à leur nom, ce qui leur donne une responsabilité : payer le loyer au début du mois. Ils peuvent bénéficier d’aides sociales pour le loyer. S’ils ont des problèmes d’addiction à la drogue ou à l’alcool, on ne leur demande pas de devenir sobres avant d’y avoir accès. C’est cela aussi la clé du succès" pour Juha Kaakinen, coordinateur du projet pour la fondation Y.

Car si financer ce programme coûte assez cher, le gouvernement finlandais estime qu’à long terme, loger les sans-abri lui permettra de réduire les coûts notamment en matière de soins de santé.

Des soins de santé très accessibles

L'entrée du tout nouvel hôpital des enfants d'Helsinki détend l'atmosphère.
L'entrée du tout nouvel hôpital des enfants d'Helsinki détend l'atmosphère. © Tous droits réservés

Quand on regarde attentivement, le classement de l’ONU, on remarque que la qualité des soins de santé fait partie des grands points positifs de la Finlande. Et il est vrai que quand on entre dans l’hôpital des enfants flambant neuf d’Helsinki, on tombe sur un mur immense d’écrans géants qui représente un aquarium. On se croit davantage dans un hôtel que dans un lieu de soins. La visite se poursuit par les salles de jeux et les chambres ultramodernes et spacieuses. Pour Pekka Lahdenne, pédiatre à l’hôpital, ici, tout est fait pour amuser et divertir les petits patients : "Dans chaque chambre, vous avez par exemple une tablette. Avec cet outil, on peut regarder un film, jouer à des jeux vidéo ou encore activer les lampes et les couleurs des lampes de sa chambre. On peut même regarder les concerts que les autres patients font depuis la salle de spectacle située deux étages plus bas."

Si la technologie et le confort du patient sont au rendez-vous, la facture n’est pas salée pour autant. Ici, comme dans tous les hôpitaux publics du pays, le coût d’une chambre est de 40€ par jour avec un maximum de 800€ par an et par personne tout frais compris. Les suppléments d’honoraire pour chambre individuelle n’existent pas. Et la durée moyenne d’attente pour un rendez-vous chez un spécialiste est d’une semaine.

Le karaoké comme thérapie

Les finlandais raffolent du karaoké.
Les finlandais raffolent du karaoké. © Tous droits réservés

Terminons ce voyage en Finlande par une autre activité incontournable : le karaoké. À l’occasion du 469e anniversaire de la ville, un immense karaoké est organisé dans un parc du centre. Et la liste des chanteurs est complète en quelques dizaines de minutes à peine. Car ici, le chant est très populaire. Ce jeune homme par exemple est très fier d’y avoir participé : "Moi je suis heureux grâce au karaoké. Cela me permet de vaincre ma timidité et de chanter devant un public large. Je rêverais de faire cela tous les jours."

Sur la pelouse du parc, ce jour-là, on trouve aussi cette mère de famille venue avec des amies. Elle estime que le karaoké contribue au bonheur du pays : "Nous, les Finlandais, sommes très introvertis. Le karaoké nous permet de nous exprimer et de nous montrer devant un public large devant lequel on n’oserait pas parler autrement que via la chanson. Donc oui, pour moi, cela contribue à notre bonheur."

 

Même si ce bonheur est donc à relativiser en fonction de ces critères de définition propres à chacun, La Finlande a quelques atouts pour favoriser son éclosion.

Archives: Journal télévisé 15/03/2018

Finlande : le pays du bonheur

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