Les derniers touristes ont dû quitter l’île de Nosy Be suite à la fermeture des frontières le 20 mars dernier… pour un mois au minimum. Laissant tous ceux qu’ils faisaient vivre dans le désarroi. Plus que le coronavirus, la perle de Madagascar aux eaux cristallines craint de traverser une crise sociale sans précédent.
L’île aux parfums coupée du monde
Des plages vidées de leurs touristes, des établissements qui affichent portes closes. Des milliers d’employés au chômage. Nosy Be signifie la grande île en malgache. Elle est également appelée l’île aux parfums pour ses cultures d’ylang-ylang qui embaume l’air humide et alimente le marché mondial de la parfumerie de luxe.
321 kilomètres carrés de terres généreuses entourées d’eaux poissonneuses et 50.000 habitants coupés du reste du monde. Huit kilomètres seulement séparent Nosy Be de la "grande terre", Madagascar, le reste du pays. Les marchandises en provenance de la capitale continuent à affluer par bateau. Plus les personnes, depuis les premiers cas de Covid-19 confirmés par l’Institut Pasteur le 20 mars dernier.
Le rythme de la propagation du virus ne dépasse pas celui des pays voisins. En 11 jours, les cas de Covid-19 recensés sont passés de 3 à 46. Mais la grande île est sur ses gardes. Elle se sait fragile de par son caractère insulaire. Et dans le cas spécifique de Nosy Be, l’île dans l’île, les moyens sont suffisants pour faire face à une pandémie de grande ampleur.
"L’hôpital public de Nosy Be est vraiment loin d’être aux normes. M. le maire a déjà fait une demande de réhabilitation et je vais l’appuyer au niveau du gouvernement, parce qu’une région comme Nosy Be, qui est la plus touristique du pays, se doit d’avoir un hôpital digne de ce nom." Le ministre malgache du tourisme, Joël Randriamandranto, dresse lui-même le constat.
Pour éviter la propagation des cas en dehors de la capitale, jusque dans les zones où la prise en charge des malades serait mission impossible, Tananarive est désormais coupée du reste du pays. Plus personne ne circule en direction ou au départ de la "ville des Mille". Ses deux millions et demi d’habitants sont assignés à résidence. Idem pour les membres du gouvernement – bloqués au Centre de Commandement opérationnel.
Des centaines d’employés menacés par le chômage
A 620 kilomètres au Nord, Nosy Be ne connaît pas encore le confinement. 150.000 touristes ont choisi cette destination en 2019. Ils sont majoritairement Italiens et Français. Cette année, l’Office du Tourisme espère accueillir 50.000 étrangers en vacances dans le meilleur des bilans. La crise économique liée à la fermeture des frontières paralyse le premier secteur d’activité de l’île pour une durée indéterminée.
Maman’i Tombo, une Malgache aux tresses bien ajustées, n’a plus de revenu depuis le 20 mars dernier. Elle travaillait en cuisine, au sein d’une gargote familiale sur la petite île de Nosy Sakatia, habituellement fréquentée par les touristes de Nosy Be pour ses eaux turquoise et ses tortues marines.
A 67 ans, cette mère de famille n’a pas de réelle alternative pour combler l’absence : "Je n’ai pas de quoi cultiver, je n’ai plus de travail. Des fois, lorsque je n’ai vraiment plus le choix, je casse des pierres pour l’industrie du bâtiment, mais on ne gagne rien avec ça. J’ai trois enfants sans père. Casser des pierres, c’est très difficile physiquement, mais quand il faut, il faut. Si nous ne mangeons pas, nous mourrons".
Dans un pays où la plupart des gens survivent avec moins de deux euros par jour, le chômage est une menace bien plus pesante encore que celle du coronavirus. Nosy Be réalise un quart de son chiffre d’affaires annuel durant les mois de mars et avril selon l’Office Régional du Tourisme. Ce sont les grands hôtels de luxe qui font entrer le plus de devises. Un millier d’employés ne travaillent plus depuis qu’ils ont fermé. Et tous les emplois indirects qui dépendent de cette affluence européenne, sont également sur la sellette.