Climat

La COP26 en "déficit de crédibilité" ? Climate Action Tracker pointe l’écart entre les actions et les promesses

© Vladislav Bondar – RTBF

Le Climate Action Tracker (CAT), un consortium de scientifiques sur le climat, tire la sonnette d’alarme dans sa mise à jour mondiale annuelle publiée ce mardi. Il pointe le déficit de crédibilité de la COP26 à Glasgow alors que l’action réelle des Etats ne reflète pas les promesses de réduction des émissions, à moyen ou long terme. Les parties à la Convention-cadre des Nations Unies sur le réchauffement du climat ne font ni assez fort, ni assez vite pour limiter la hausse du thermomètre de la planète, selon le CAT.

Le Climate Action Tracker suit l’action climatique réelle des émetteurs de gaz à effet de serre, gros ou petits, qui, ensemble, représentent 80% des émissions et environ 70% de la population mondiale. Cette initiative rassemble deux organisations (Climate Analytics et New Climate Institute). Elle est financée en partie par des gouvernements parmi lesquels l’Allemagne ou la Fondation européenne pour le climat.

Un mauvais bulletin

Pour le CAT, les objectifs de neutralité carbone annoncés donnent de faux espoirs quand on les confronte à la réalité du dérèglement du climat résultant de “l’inaction des gouvernements. Le résultat du suivi réalisé, comprenant aussi les promesses faites à Glasgow lors de cette 26e COnférence des Parties, est dur.

On peut y lire notamment que, malgré toutes les promesses, les émissions mondiales de gaz à effet de serre seront deux fois plus élevées que nécessaire pour ne pas dépasser 1,5° C en 2030. Autre conclusion mise en avant par le consortium : le ralentissement des objectifs à court terme n’a permis de réduire l’écart des émissions que de 15% à 17% en 2020.


►►► À lire : Quels engagements ont été pris avant les négociations climatiques de la COP26 (qui s’annoncent difficiles) ?


Comme le montre le graphique ci-dessus publié par Climate Action Tracker, les promesses de réduction des émissions à moyen terme (horizon 2030) conduiront à une hausse du thermomètre de la Terre de 2,4° C en 2100. Le hic, c’est que la hausse sera plus élevée (2,7° C) si l’on se base sur la réalité, autrement dit les politiques actuellement menées et non sur les promesses faites par les Etats.

Parole, parole, parole

Le même raisonnement prévaut pour les prévisions à long terme : si toutes les promesses à long terme de neutralité climatique sont respectées, la hausse des températures sera limitée à 1,8° C à l’horizon 2100. Contrairement aux apparences, pour le CAT, cette estimation n’est pas une bonne nouvelle compte tenu de l’écart entre les promesses et les actions.

L’analyse du CAT indique clairement que l’objectif de 1,5° C fixé par l’Accord de Paris n’est pas atteint avec un pic de réchauffement de 1,9° C au 21e siècle et le risque (évalué à 16%) de dépasser un réchauffement de 2,4° C. "La grande majorité des actions et des objectifs de 2030 sont incompatibles avec les objectifs de neutralité carbone : il y a un écart de près d’un degré entre les politiques actuelles des gouvernements et leurs objectifs de zéro émission", réagit Bill Hare, le PDg de Climate Analytics.


►►► À lire : Les objectifs climatiques de l’Union européenne, un écheveau ambitieux à 27 États


Le PDg renchérit : C’est très bien pour les dirigeants d’affirmer qu’ils ont un objectif de zéro émission, mais s’ils n’ont aucun plan pour y parvenir, et que leurs objectifs pour 2030 sont aussi bas que beaucoup le sont, alors franchement, ces objectifs de zéro émission ne sont que des paroles en l’air par rapport à une véritable action climatique. Glasgow a un sérieux déficit de crédibilité".

Pression maximale

La mise à jour du consortium Climate Action Tracker (à découvrir ici) n’est pas publiée au hasard mais dans la dernière ligne droite de la COP26 avec la volonté de mettre la pression sur les Parties pour qu’elles réduisent l’écart entre leurs ambitions et leurs actions en faveur du climat… le plus vite possible.

"Si l’écart massif de 2030 ne peut être réduit à Glasgow, les gouvernements doivent accepter de revenir l’année prochaine, lors de la COP27, avec des objectifs nouveaux et plus forts. Les dirigeants d’aujourd’hui doivent être tenus responsables de cet écart massif en 2030. Si nous attendons encore cinq ans et ne discutons que des engagements de 2035, la limite de 1,5 °C pourrait bien être perdue", anticipe Niklas Höhne, du NewClimate Institute, l’autre organisation partenaire de la CAT.

Charbon et gaz

Au-delà du constat, comment expliquer ce gap entre les actions et les ambitions ? Sans réelle surprise, la production et la consommation du charbon et du gaz ont une lourde part de responsabilité, selon le consortium. Le charbon doit disparaître du secteur de l’électricité d’ici 2030 dans l’OCDE, et globalement d’ici 2040. Et malgré l’élan politique et les avantages évidents au-delà de l’atténuation du changement climatique, il y a encore une énorme quantité de charbon dans le pipeline", avance le PDg de Climate Analytics.

Une quarantaine de pays se sont engagés à sortir du charbon dans les années à venir lors de la COP26. Mais l’Australie, comme d’autres grands consommateurs de charbon (Chine, Etats-Unis) n’ont pas signé cet engagement. Bref, les bonnes volontés les plus importantes font défaut.

Pour revenir sur l’exemple australien, le ministre australien des Ressources déclarait récemment sur ABC que “nous ne fermerons pas nos mines de charbon ni nos centrales à charbon. […] Nous continuerons d’avoir des marchés pendant des décennies à l’avenir. Et s’ils achètent… et bien, nous vendons".

Le gouvernement australien a bien un objectif de neutralité carbone pour 2050 mais il est fort critiqué pour son manque de précision et parce qu’il repose sur des innovations technologiques encore inconnues. Le Minerals Council of Australia, (grands groupes miniers d’Australie), estime que cet objectif de neutralité carbone n’est atteignable que moyennant un gros investissement dans les technologies. Il évalue par ailleurs le volume d’emplois dans le secteur du charbon à 50.000 emplois directs et 120.000 emplois indirects. L’enjeu est là aussi.


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Parallèlement, selon le CAT, l’industrie gazière monte en puissance et présente le gaz comme une alternative au charbon. Nous ne pouvons pas laisser les combustibles fossiles être remplacés par d’autres combustibles fossiles", analyse le patron de Climate Analytics, Bill Hare. Le CAT lance un ultime pavé dans la mare. Selon lui, les annonces visant à réduire le méthane et la déforestation faites à Glasgow ne réduisent que légèrement, voire pas du tout, l’écart entre les émissions.

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