"Chaque fois que je décide d'un programme de récital, j'essaie de trouver un fil rouge caché qui peut vraiment se manifester de la première à la dernière note. Parfois, c'est plus évident, parfois c'est à un niveau moins conscient. Dans ce cas, j'ai été inspirée, bien sûr, par le chef-d'œuvre du programme : la Sonate de Liszt.
La Sonate Liszt est l'une des plus grandes œuvres romantiques de la littérature pianistique, elle s'inspire d'un autre thème romantique très important : l'histoire de Méphistophélès et du Docteur Faust. Cette sorte de damnation et de salut se retrouve donc dans l'ensemble de l'œuvre et constitue une narration importante. D'une certaine manière, j'ai décidé de créer une première partie constituée d’une sorte de bouquet de pièces qui pourrait annoncer la seconde partie. Il y a trois moments importants : la tragédie, la-mort-et-la-résurrection et le salut.
J'ai essayé de construire ce triptyque avec dans la première partie trois compositeurs : le premier est Scriabine, et c'est pourquoi j'ai choisi la Fantaisie en si mineur, qui est une pièce de jeunesse. C’est une musique si tragique, pleine de couleurs et pleine de désespoir aussi. La deuxième partie du triptyque est le Castelnuovo-Tedesco avec cette si belle œuvre : Cipressi. Il s'agit d'un arbre typique de la Toscane, mais aussi des cimetières italiens. D'une certaine manière, c'est un symbole de la mort. Pour moi, l’œuvre représente le milieu de la sonate et la troisième partie du triptyque.
Ensuite, j’ai décidé de jouer quelques pièces de Debussy : deux préludes, dont les titres eux-mêmes sont suggestifs. Et L’Isle Joyeuse, bien sûr, c'est l'île, non seulement dans le sens réel du monde, qui est l'île réelle, mais aussi comme une île psychologique de bonheur qui existe pour tout le monde. Et d'une certaine manière, c'est le salut et la fin heureuse que l'on retrouve aussi dans la dernière Sonate."