Dans le hall de la Balsamine, il y a eu Le Salon des Refusés de Claude Schmitz. Aujourd’hui, il y a la performance en série La Colonie de Silvio Palomo. Quelles voies explorer pour être à sa place et ne pas y rester? La BO de l’épisode 3 L’enquête est la Sonate pour piano n°14 de Ludwig Van Beethoven. Il y a le geste de Leonard Cohen.
Il y a l’injonction latine "CAVEAT EMPTOR" (que l’acheteur soit vigilant – le produit doit respecter ce pour quoi il est vendu), elle crépite en grandes lettres dégoulinantes jaune fluo sur fond blanc. C’est le mot d’ordre, la presque devise de La colonie, la performance en série (La visite, Le Trou, L’enquête et Le Parc) du jeune metteur en scène Silvio Palomo. Où chaque épisode/expérience unique (à contrainte) possède un peu de l’univers du précédent dans le hall de la Balsamine : l’irréalisme de studio, le gazon trop vert (comme de grandes taches de couleur), la tente trop petite, l’irréalisme de la lumière, etc. L’anti-naturalisme veille partout, dans la moindre image, dans la moindre bulle de savon échappée des cratères. Il dépose de la poudre sur nos yeux.
Dans La Colonie, Silvio Palomo reconduit son souci de la forme en plongeant dans la fantaisie, une fantaisie terrible - d’une incroyable inventivité et exigence - dans laquelle il enferme ses personnages, fragiles. Ils sont un peu bizarres, inquiets, figés. On ignore leurs passés. Ils n’arrêtent pas de réfléchir. Mais réfléchir à quoi? Leurs réflexions à voix haute sont comme des séries de blancs, de vrais-faux trous syncopés. Ils réfléchissent au fait qu’ils réfléchissent. Leurs réflexions nous échappent, elles restent insaisissables.
Dans l’épisode 3 L’enquête, la fantaisie nous conduit au plafond. Un étrange explorateur anglais avec un révolver tombe du ciel. Elle et Il ne comprennent pas la langue anglaise. Ils appellent un traducteur. On croit en une comédie. Et c’en est une. On s’y amuse beaucoup, mais elle nous tient intranquilles. Où nous conduit-elle? À une belle rencontre? À un beau roman d’amitié? Non, L’enquête nous conduit à la minute de poésie suédoise dirigée par Elle - quasi metteure en scène. Tout le monde applaudit. Tout le monde semble ravi. Cela pourrait être simple. Mais non, la comédie prend ses distances. À elle s’oppose quelque chose de plus grand qui la contient et l’annule: la critique. Elle convoque ce et ceux qui empoisonnent la poésie. Et le coup de génie de Silvio Palomo est de l’avoir dissimulé jusqu’à l’épisode 3 derrière une nonchalance formelle, inflexible et littéralement excessive. La résistance de Silvio Palomo n’est pas idéologique, elle est ontologique. C’est là son audace et sa (déjà) évidente réussite. La Colonie est une sorte de pur programme feuilletonesque, poétique et critique. Il nous amène à regarder, jusqu’au bout, pour rester en mouvement, être libre et en vie.
La Colonie de Silvio Palomo : L’enquête le 11 avril et Le Parc le 18 avril à la Balsamine - www.balsamine.be