Nombre de scientifiques saluent l’effectif important de patients inclus (contre quelques dizaines pour les précédentes) mais font valoir qu’en raison de la manière dont l’étude est élaborée, rien ne permet d’en conclure que le traitement "évite l’aggravation des symptômes et empêche la persistance du virus et la contagiosité dans la plupart des cas", comme l’affirment les conclusions.
Ces résultats sont juste nuls et non avenus
"Malheureusement en l’absence de bras comparatif (groupe témoin recevant un placebo, NDLR), c’est extrêmement difficile de savoir si le traitement est efficace ou pas", explique vendredi Arnaud Fontanet, épidémiologiste à l’Institut Pasteur et membre du conseil scientifique Covid-19, sur RMC/BFM TV.
"Ces résultats sont juste nuls et non avenus, ça ne nous apprend rien sur l’efficacité du traitement", s’emporte l’épidémiologiste Catherine Hill. Elle évoque elle aussi l’absence de groupe témoin et le fait que d’après les données publiques disponibles, au moins 85% des gens guérissent spontanément, sans aucun traitement. L’épidémiologiste, aujourd’hui à la retraite, pointe auprès de l’AFP un probable biais de sélection des participants, avec des patients testés positifs qui n’auraient sans doute jamais développé de symptômes, ou très légers.
Des tests de façon trop large à Marseille
L’IHU propose en effet de réaliser des tests de façon large aux patients qui se présentent dans ses murs (le texte publié évoque 38.617 patients testés entre le 3 mars et le 9 avril), alors que, dans le reste du pays ces tests sont encore réservés en priorité aux cas hospitalisés et au personnel soignant.
De fait, les participants de l’étude ont des formes moins graves que la moyenne des cas confirmés de Covid-19 : l’essai du Pr Raoult comprend 95% de patients dont le degré de gravité est "bas", 2,4% de cas "moyens" et 2,6% de cas dont le degré de gravité est jugé "haut".
Préoccupations
Or, selon l’analyse de plus de 70.000 malades chinois publiée le 24 février dans la revue médicale américaine Jama, 81% des cas avaient des formes cliniques modérées, 14% sévères et 5% "critiques". Le 3 avril, l’International Society of Antimicrobial Chemiotherapy, qui avait publié la première étude du Pr Raoult, avait déjà fait part de ses préoccupations, expliquant que l’article ne correspondait pas aux "standards de qualité attendus".
L’infectiologue français est au centre d’un débat mondial sur l’utilisation de la chloroquine et de l’hydroxychloroquine pour combattre le coronavirus. Certains médecins, certains pays et des élus appellent à administrer largement ce médicament, mais une vaste partie de la communauté scientifique et des organisations sanitaires appellent à attendre une validation scientifique rigoureuse, mettant en garde contre les risques possibles pour les patients, notamment cardiaques.
Un essai européen baptisé "Discovery" a été lancé dans plusieurs pays pour tester quatre traitements, dont l’hydroxycholoroquine, et d’autres études étudiant spécifiquement son efficacité ont démarré, notamment au CHU d’Angers. En attendant les résultats, la France a adopté une position prudente : l’hydroxychloroquine est autorisée à l’hôpital uniquement, et seulement pour les cas graves.
Une visite du président Macron
Le ministre de la Santé, Olivier Véran, avait appelé le week-end dernier à ne pas brûler les étapes, estimant qu’on connaîtrait prochainement les premiers résultats intermédiaires des études lancées. Si l’Elysée assure qu'"il ne faut voir aucune dimension politique" au déplacement d’Emmanuel Macron, beaucoup y voient au contraire "une formidable légitimation de ce chercheur" pourtant controversé.
Dans un éditorial, la réputée revue Science s’inquiète du fait que le président français "alimente l’engouement autour d’un traitement dont l’efficacité n’est pas prouvée".