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La Chine ordonne au secteur des jeux vidéo de "rompre" avec la quête du profit, en brandissant le "risque d'addiction"

The ePremier League China Tournament  Final

© 2021 Getty Images

Par A. Lo. avec agences

Le secteur des jeux vidéo en Chine ne doit pas rechercher à tout prix le profit mais faire davantage pour lutter contre l’addiction des plus jeunes, ont exhorté les régulateurs au moment où Pékin durcit la réglementation d’un domaine très lucratif.

Les jeux vidéo représentent en Chine une importante manne financière : ils ont généré 17 milliards d’euros de chiffre d’affaires rien qu’au premier semestre 2021.

Certains enfants chinois peuvent passer des journées entières à jouer à des jeux vidéo. Mais ce phénomène est de plus en plus décrié dans le pays pour ses prétendus méfaits : baisse de la vision, impact sur les résultats scolaires, manque d’activité physique ou risque d’addiction. Bien que l'addiction au jeu vidéo soit reconnue comme une maladie par l'OMS depuis 2019, la communauté scientifique est loin de faire consensus derrière la description de ce trouble, son diagnostic, et ses origines.

Nouvelles recommandations

Mercredi, les régulateurs chinois ont convoqué les géants du secteur, dont les sociétés Tencent et NetEase. Elles ont été exhortées à "rompre avec le seul objectif de faire du profit […] et de modifier les règles des jeux qui peuvent créer une addiction", a rapporté l’agence de presse officielle Chine nouvelle.

Il a également été demandé aux géants du secteur "d’appliquer à la lettre" la réglementation sur le temps de jeu des moins de 18 ans, selon Chine nouvelle.

Pour lutter contre l’addiction des jeunes, Pékin a imposé fin août que les mineurs ne puissent jouer en ligne que trois heures par semaine maximum. Et uniquement le week-end, les jours fériés et pendant les vacances scolaires, à raison d’une heure par jour.


►►► À lire aussi : Tencent, éditeur de Fornite, impose la reconnaissance faciale aux joueurs chinois de jeu vidéo, pour vérifier leur âge


"Les contenus obscènes et violents [dans les jeux vidéo], ainsi que ceux qui favorisent des tendances malsaines, comme le culte de l’argent et l’effémination, doivent être supprimés", ont par ailleurs exhorté les régulateurs, cités par Chine nouvelle.

Le secteur chute

Le pouvoir communiste avait déjà interdit la semaine dernière certains programmes de téléréalité et ordonné aux diffuseurs de véhiculer une image plus masculine des hommes.

Face à une baisse de la natalité dans le pays, Pékin fustige l’allure efféminée de certaines célébrités, inspirées notamment par les pop-stars coréennes.

Ces mesures ont fait dévisser jeudi les principaux noms du secteur. Les actions de Tencent perdaient en début d’après-midi 6,65% à la Bourse de Hong Kong. Son concurrent NetEase cédait 6,84% et le site Bilibili, prisé des fans de dessins animés, de mangas et de jeux vidéo, était en repli de près de 7%.


Addiction aux jeux vidéo : pas de consensus

Les troubles d'addiction aux jeux vidéo font encore l'objet de vifs débats au sein de la communauté scientifique, sous couvert de fausses croyances populaires.

Un papier scientifique de 2017, d'un collectif de chercheurs de différentes universités s'inquiète par exemple que cette reconnaissance "entraîne une stigmatisation importante des millions d'enfants qui jouent à des jeux vidéo dans le cadre d'une vie normale et saine." Un autre papier de 2018 précise que cette classification "doit reposer sur des preuves scientifiques bien plus solides que ce qu'elles ne le sont actuellement''.  Le débat est vif pour savoir si l'origine de l'addiction est le jeu vidéo, ou si cette addiction est un symptôme d'un mal-être qui trouve son origine ailleurs.

De plus, dans la réflexion autour de cette problématique, la responsabilité des développeurs de jeu vidéo utilisant des designs addictifs est souvent peu remise en cause : on se retrouve alors dans une situation paradoxale où un éditeur comme Tencent réduit les temps de jeu par des pratiques invasives de la vie privée, en même temps qu'il continue à développer des pratiques de design addictif dans ses jeux vidéo, comme Fortnite.

L'OMS a par ailleurs recommandé en 2020 de jouer au jeu vidéo durant les confinements de l'épidémie de coronavirus, reconnaissant son "utilité", et illustrant par là la complexité de la question de la pratique des jeux vidéo, qui font partie de la vie de nombreuses personnes. Le jeu vidéo est un objet culturel au même titre qu'un livre ou un film, mais qui doit encore légitimer ce statut dans nos sociétés, au-delà de son importance économique.


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JT 25/03/2020

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