Nicolas Blanmont revient sur l’incident de la "gifle" de John Eliot Gardiner survenu à la Côte-Saint-André, durant sa tournée des Troyens. Une occasion de revenir sur la carrière de John Eliot Gardiner, entre opéra et musique baroque.
Un coup de chaud, un coup d’arrêt ?
La carrière de John Eliot Gardiner serait-elle terminée ? Alors que le chef d’orchestre britannique et son orchestre étaient au Festival Berlioz, à la Côte-Saint-André, pour entamer une tournée avec les Troyens de Berlioz, Gardiner a perdu son sang-froid en s’emportant violemment sur la basse William Thomas, qui avait eu la mauvaise idée de sortir de scène du mauvais côté. Une altercation qui s’est conclue par une gifle que le chef d’orchestre britannique a violemment donnée à Thomas. On invoque la chaleur, les médicaments, John Eliot Gardiner s’excuse dans toutes les langues et se retire de la production et du reste de la tournée, laissant le soin à son assistant Dinis Sousa, de donner les prochaines représentations, à Salzbourg samedi dernier, au Château de Versailles ce mardi soir, à Berlin vendredi et aux BBC Proms, à Londres, dimanche prochain.
Un geste excusé par l’incroyable carrière de Gardiner ?
Si l’incident est assurément regrettable, certains ont voulu excuser le geste par l’immense carrière de Sir Gardiner. Il faut dire que John Eliot Gardiner, qui a fêté récemment ses 80 ans, a derrière lui une magnifique carrière.
Avec ses English Baroque Soloists et son Monteverdi Choir, Gardiner a été l’un des tout grands interprètes de Bach, notamment du jubilé de 2000. Dans l’opéra aussi, Gardiner a pratiquement 50 ans de carrière : une première Flûte enchantée en 1969, la création des Boréades de Rameau à Aix-en-Provence en 1982, des enregistrements de Purcell et de Haendel, une carrière fixe à l’opéra de Lyon dans les années 80 avec des enregistrements de répertoire français plutôt rare, comme Les Brigands d’Offenbach, L’Étoile de Chabrier, Le comte Ory de Rossini ou encore Fortunio de Messager. On peut également citer ses enregistrements de Mozart avec les English Baroque Soloists, les sept grands Mozart de la maturité sur instruments anciens.
Avec son Orchestre Révolutionnaire et romantique, il a enregistré Oberon de Weber, Falstaff de Verdi ou encore The Rake’s Progress de Stravinsky.
Gardiner remontera-t-il un jour sur scène pour diriger un opéra ? Rien n’est moins sûr… il ne faut pas oublier qu’il a maintenant 80 ans, un âge tout à fait respectable pour reposer la baguette. C’est d’ailleurs ce qu’a fait en son temps Wolfgang Sawallisch (qui aurait eu 100 ans ce 26 août dernier), et c’est ce que fera bientôt William Christie, lui qui dirigera Médée l’année prochaine à l’opéra de Paris pour ses 80 ans. Il faut dire que la direction d’opéra est extrêmement exigeante.
Et puis, indépendamment de son âge, si Gardiner est une figure incontestée de la direction musicale, en Grande-Bretagne, il est beaucoup plus contesté.