Le président des socialistes flamands, Conner Rousseau, suscite la polémique : quand je passe en voiture dans Molenbeek je ne me sens pas non plus en Belgique. Les socialistes francophones ont vivement réagi, les socialistes flamands l’ont largement soutenu. L’épisode démontre la faille qui sépare le nord et le sud au sujet de l’intégration et du sentiment national.
Petite phrase
D’abord le contexte. Conner Rousseau est interrogé dans le magazine Humo à propos des élections en France. On lui demande de se positionner sur le score de l’extrême droite. Et là, assez étonnement, il fait un lien avec la Belgique, avec Molenbeek, qu’il traverse parfois en voiture. Il dit ne pas s’y sentir en Belgique. L’interview continue sur l’absence de mixité linguistique et le fait que ni le néerlandais ni le français ne seraient parlés dans certaines écoles où l’on enseignerait en arabe. Conner Rousseau propose d’investir plus dans l’enseignement des langues et dans les gardes d’enfants pour remédier à ce problème.
Conner Rousseau est un habitué des déclarations chocs. Il avait déjà suscité la polémique en demandant que les non-vaccinés soient exclus de toute vie publique, ou en prônant pour certains cas sociaux comme les toxicomanes la contraception pour bénéficier de l’aide sociale.
Ce genre de propos sur Molenbeek s’inscrit en outre dans une longue tradition de déclarations chocs sur la commune. Eric Zemmour avait appelé à bombarder Molenbeek plutôt que Raqqa. Didier Reynders avait déclaré que Molenbeek, c’était l’étranger. Didier Reynders s’est excusé dans un communiqué peu de temps après, ce qui a clôturé la polémique. Par contre, Conner Rousseau ne s’excuse pas, au contraire il assume.
Avec les félicitations de Bart de Wever
Conner Rousseau assume donc une phrase choc pour attirer l’attention sur le problème de la mixité. Il est d’ailleurs largement soutenu par les pontes de son parti qui considère que l’intégration par l’apprentissage des langues est une priorité. Louis Tobback, le patriarche, est d’ailleurs de sortie dans la presse flamande, Johan Vandelanotte et Frank Vandenbroucke approuvent aussi. Pour le Spa la stratégie semble assez claire. Conner Rousseau dit publiquement qu’il a comme objectif de regagner la confiance des électeurs du Vlaams Belang, en particulier les plus jeunes. Cette déclaration lui a valu un soutien de Bart de Wever de la N-VA. En Flandre beaucoup spéculent d’ailleurs sur une future alliance entre N-VA et Vooruit.
Au nord les réactions critiques viennent surtout des Flamands de Bruxelles, ou plutôt des Bruxellois Flamands. C’est le cas de ministre CD&V Benjamin Dalle, en charge de la jeunesse et des affaires Bruxelloise au gouvernement flamand.
Intolérable
Au sud les réactions n’ont pas tardé, et elles sont à l’exact opposées. Les socialistes sont outrés, Paul Magnette juge le propos "inacceptable". Propos "intolérable" pour Raja Maouane coprésidente d’Ecolo. Au MR le patron des libéraux Bruxellois, David Leisterht juge que ce genre de discours est "stigmatisant" et "flirte avec celui de Zemmour". Les engagés et le PTB sont aussi vent debout. Georges Louis Bouchez, ne condamne pas mais se contente de se demander sur Twitter s’il pourra encore débattre avec Conner Rousseau.
Sentiment national
Pour le reste, on notera que la question soulevée par Conner Rousseau relève donc du “sentiment national”. Or, s’il y a bien un pays au monde, ou cette question est compliquée et n’apporte que des équivoques c’est bien la Belgique. Certains francophones ne se sentent plus en Belgique lorsqu’il y a trop de Flamands à Durbuy, certains Flamands ne se sentent plus en Belgique quand on parle trop français à la mer du Nord et bien sûr certains Bruxellois ne se sentent pas en Belgique ailleurs qu’a Bruxelles. C’est d’ailleurs cette pluralité de sentiments nationaux qui constitue sans doute le plus petit commun dénominateur d’une identité nationale. Ce qui revient à dire que les communes les plus diversifiées, celles ou le pluralisme des langues et des cultures est très présent sont peut-être plus belges que les autres. Et donc, de ce point de vue, la Belgique sans Molenbeek ce n’est plus la Belgique.