La question n’est plus de savoir s’il faut ou non restituer les biens acquis dans les contextes coloniaux … Pour le gouvernement fédéral, c’est une évidence. "Tout ce qui a été acquis par la force et la violence dans des conditions illégitimes, doit en principe être restitué ". C’est le critère de restituabilité qu’a proposé Thomas Dermine, le secrétaire d’état en charge de la politique scientifique. Proposition acceptée en comité ministériel restreint (Kern), le 18 mai.
Une question de génération. "Les objets qui ont été acquis de façon illégitime par nos grands-parents, arrière-grands-parents ne nous appartiennent pas. Ils appartiennent au peuple congolais. Point final", lance le secrétaire d’état, du haut de ses 35 ans.
A priori, deux catégories d’objets préservés dans les collections muséales belges sont concernées : la première rassemble des pièces dont on a la preuve scientifique qu’elles ont été acquises ‘de manière illégitime’. L’autre catégorie regroupe des objets dont il n’a pas pu être déterminé que la Belgique les a acquis de façon légitime. Ces pièces-là feront l’objet d’études de provenance.
Quel cadre juridique ?
Pour ces deux catégories d’objets, Thomas Dermine propose un seul cadre juridique, en vue d’une restitution potentielle : le transfert de toutes ces pièces du domaine public vers le domaine privé de l’Etat, pour les rendre aliénables. Dans l’attente des résultats d’études de provenance, l’arrêté royal prévoirait le maintien de conditions de conservations applicables aux collections publiques. Le symbole est fort, les objets en attente d’étude restent donc dans le domaine privé. Et s’il s’avère que certains ont été acquis de manière légitime, ils rebasculent dans le domaine public.
Pour les objets acquis de ‘manière illégitime’, une convention entre la Belgique et la République démocratique du Congo prévoirait les conditions de dépôt ou de restitution.
"Ce transfert juridique se distingue ainsi du transfert matériel ", souligne encore le secrétaire d’état. "Dire que la RDC n’est pas encore prête à accueillir, ni à conserver ces œuvres ne doit pas être perçu comme un obstacle à la restitution".
"Cette approche systémique se base sur un travail d’inventaire", ajoute-t-il encore. "Elle permet d’éviter ce que nous avons fait par le passé, c’est-à-dire restituer au cas par cas". Et cela, de facto, sans même que les autorités congolaises n’aient encore adressé une demande officielle.
Question de génération ? Pas seulement. Le rapport de Felwin Sarr et Bénédicte Savoy "Restituer le patrimoine africain : vers une nouvelle éthique relationnelle" (éd. Philippe Rey et Le Seuil), remis à Emmanuel Macron en novembre 2018, avait déjà posé le débat. Mais la réflexion sur le sujet a été accélérée l’an dernier par le mouvement Black Lives Matter après la mort de Georges Floyd, dans tous les anciens pays coloniaux, France, Allemagne, Pays-Bas, y compris chez nous.