Chroniques

La Belgique est-elle une fiction démocratique ?

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Par Bertand Henne

Bart de Wever a parlé. Et il a décidé de faire de ce dossier de l’IVG, un dossier central pour la formation d’un gouvernement. Pression maximum sur les partis qui veulent donc former un gouvernement avec la N-VA, en particulier les libéraux du nord et du sud qui tentent toujours de former un gouvernement sans le PS, la fameuse majorité Arizona. On peut même parler de bombe à retardement. Une bombe qui peut cependant être désamorcée assez facilement. Le Parlement est bientôt en vacances. Une flibusterie de plus, un nouveau report du texte nous amènerait directement en septembre.

Discrétion

La N-VA soignait jusqu’ici son image de parti "raisonnable". Elle prend un risque en sortant de la sorte. A plusieurs reprises elle n’a pas hésité déjà à placer des bombinettes pour faire échouer les négociations quand ça n’allait pas dans le sens qu’elle souhaitait.

Toujours est-il que désormais cet assouplissement de l’IVG, et plus globalement le clivage éthique entre progressistes et conservateurs reprend une place centrale. La N-VA veut s’imposer, avec le CD & V, sur cet axe-là. Et bien sûr pour la N-VA l’affaire est aussi communautaire. Ce matin dans une carte blanche publiée dans le Morgen, Bart de Wever est très explicite sur cette dimension nord sud. Il n’y a pas de majorité en Flandre pour ce projet, mais il y a une majorité "belge", dit-il en mettant belge entre guillemets.

Faire avancer ce projet de loi pernicieux ajouterait encore une autre bouchée à cette fiction démocratique. Ceux qui tentent de former un gouvernement fédéral, en particulier ceux désireux de chanter leur amour pour ce pays, feraient bien d’en tenir compte et de tempérer leur volonté.

Fête nationale

Voilà pourquoi la N-VA a attendu le 11 juillet, fête nationale flamande, pour lancer son offensive. Il ne s’agit pas d’abord de défendre le droit de l’enfant à naître. Il s’agit de défendre l’impératif catégorique nationaliste : toute loi fédérale doit avoir une double majorité, une majorité au Parlement et une majorité en Flandre. Pourquoi ? Parce que par extension, la Belgique fédérale est une "fiction démocratique" pour reprendre les mots de Bart de Wever.

Autre configuration, plus simple, de cet impératif catégorique DeWeverien : si tu aimes la Belgique, laisse la Flandre décider.

Avant le 21 juillet, la question de l’IVG devient donc une question hautement communautaire. La négociation fédérale s’enfonce donc encore un peu plus dans les sables mouvants. Sous vos yeux ébahis, et lassés, il est tout à fait possible d’encore s’enfoncer avec des ukases supplémentaires. Bien sûr les autres partis ont aussi leur part de responsabilité dans ce clash.

Sables mouvants

Les partis qui soutiennent cette loi savent depuis le début que ce texte heurte les principes fondamentaux d’un possible futur partenaire (et partenaire stratégique), le CD & V.

Ils savent que le CD & V est revenu à la jurisprudence qui prévalait avant 1990 et la loi dépénalisant partiellement l’avortement. Les questions éthiques sont redevenues des questions de gouvernement. Les libéraux le savent très bien, ils l’ont déjà accepté sous la précédente majorité.

Ils savent ces partis, qu’ils ne pourront pas obtenir ce qu’ils veulent si un gouvernement est formé avec le CD & V (et désormais c’est très clair avec la N-VA). Donc ils avancent au Parlement, mais ils savent qu’ils s’éloignent d’un gouvernement.

Il fut un temps, pas si lointain, ou des présidents de partis, voyant venir ce clash auraient demandé à leurs députés de lever le pied pour donner ses chances à la négociation fédérale. Mais c’était un temps ou le premier et le deuxième parti flamand (Vlaams Belang) ne considéraient pas la Belgique comme une fiction démocratique.

La formation d’un gouvernement est-elle encore possible avec la N-VA et le CD & V ligué, comme au temps du cartel, dans cet impératif catégorique de la double majorité Flamande ?

Non. Sans doute que non. La réussite de la négociation n’est pas la priorité pour Bart de Wever. Mais elle ne l’est sans doute plus non plus pour les autres présidents de partis. Ils ont les yeux rivés sur les prochaines élections. Et la question principale qui s’y posera qu’ils le veuillent ou non : la Belgique est-elle une fiction démocratique ?



 

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