La fabrication de voitures électriques, de batteries ou de panneaux solaires est extrêmement gourmande en métaux comme le lithium, le cobalt ou le zinc. La demande croissante de ces minerais conjuguée à une potentielle pénurie des réserves terrestres pousse l’industrie à se tourner vers des réserves jusqu’alors encore préservées : les grandes profondeurs de nos océans. Une entreprise belge, soutenue par l'Etat belge, prépare la ruée vers les abysses, tandis que la société civile lance l'alerte sur ses dangers. Déclic s’est penché sur la question dans sa chronique Océans.
Verra-t-on, dans quelques années, des robots s’activer à 4000 mètres de profondeur pour exploiter le sous-sol marin et y puiser des minerais ? Ce scénario ne relève plus de la science-fiction. Aujourd’hui les métaux stratégiques devenus indispensables à notre nouvelle société écologique (voitures électriques, éoliennes, panneaux solaires) et numérique (smartphones et ordinateurs) sont exploités dans le sous-sol terrestre mais ils risquent bien de connaître une pénurie à court terme. C’est ce que prédit l’Agence internationale de l’énergie dans un rapport publié en mai 2021. Selon ses calculs, la demande mondiale du secteur énergétique pour ces métaux stratégiques pourrait être multipliée par quatre d’ici à 2040 si le monde se conforme aux engagements de l'Accord de Paris (visant à limiter le réchauffement climatique à 2°C par rapport au niveau préindustriel). Les volumes de cuivre, de lithium et de cobalt qu’il faudrait extraire pourraient excéder les capacités de production des mines terrestres dès 2022-2024.
Des entrepreneurs se tournent dès lors vers un nouveau type de filon, découvert au XIXe siècle mais jusqu’ici préservé : les ressources marines profondes. Les réserves sous-marines semblent immenses et les industriels affirment que leur exploitation serait plus responsable que l’extraction terrestre car elle n’implique pas de déforestation, ni de relocalisation des populations, ni de montagnes de déchets toxiques… C’est en tous cas ce qu’affirme Kris Van Nijen, directeur général de GSR (Global Sea Mineral Resources NV), filiale du géant de dragage DEME et seul contractant belge s’affairant à l’exploration du potentiel sous-marin depuis une petite dizaine d’années.
Une mine de métaux dans les abysses
Le fond des océans est un des derniers lieux de notre planète où l’impact des activités humaines est encore relativement réduit, car l’accès à ces zones situées entre 1000 et 10.000 mètres de profondeur est très difficile : pression élevée, obscurité totale, absence d’oxygène. On ne connaît que 5 % de ces fonds qui abritent une biodiversité étonnante et extravagante, adaptée à de rudes conditions de vie.
Certaines ressources font déjà l’objet d’une exploitation sous-marine, comme les diamants au large de la Namibie, mais à des profondeurs n’excédant pas quelques centaines de mètres. L’enjeu aujourd’hui est d’une autre nature puisqu’il s’agit d’atteindre des gisements situés dans les grands fonds marins, très difficiles à exploiter. Avantage : leur mécanisme de formation leur confère une richesse en métaux exceptionnelle, jusqu’à 20 fois supérieure à celle des filons continentaux.