Depuis le début de l’année, l’Opéra de Paris traverse une crise sans précédent, après les grèves à répétition du personnel de l’institution lyrique en début d’année, l’Opéra de Paris a dû faire face à la crise du coronavirus, qui a contraint toutes les institutions culturelles à fermer leur porte. C’est dans cette situation houleuse que l’actuel directeur général de l’Opéra de Paris a annoncé qu’il partira fin 2020 et laissera la place à son successeur, Alexander Neef, qui va devoir faire face à de nombreux défis.
"L’Opéra de Paris est à genoux"
A la tête de l’Opéra de Paris depuis 2014, Stéphane Lissner aurait dû terminer son mandat en 2021 et laisser sa place à son successeur Alexander Neef, actuel directeur de l’Opéra de Toronto. Mais les récents événements qui ont troublé la vie de l’institution lyrique parisienne ont changé la donne. En effet, en décembre 2019 et janvier 2020, l’Opéra de Paris a été touché par de nombreuses grèves de son personnel, en réaction à la réforme des retraites qui prévoyait de supprimer le régime spécial de retraite dont bénéficient les danseurs, chanteurs et musiciens de l’Opéra de Paris. Ces grèves ont mis à mal les finances de l’institution lyrique qui ne se portaient déjà pas très bien, engendrant près de 16,5 millions d’euros avec plus de 76 annulations de représentations et Stéphane Lissner avait alors annoncé des mesures d’économie drastiques et de possibles annulations de productions. A cette crise sociale et financière s’est ajoutée la pandémie du coronavirus et l’obligation pour toutes les institutions culturelles de fermer leurs portes.
Cette situation de crise inédite nécessite des prises de décisions importantes et urgentes, prises de décisions qui ne peuvent être décidées que par ceux qui seront à la tête de l’institution dans les années à venir. C’est ainsi que Stéphane Lissner explique, dans un entretien donné au Monde, sa décision d’anticiper son départ, fin 2020 : "La situation l’exige. Fin 2020, il est probable que l’Opéra de Paris n’aura plus de fonds de roulement. L’urgence de la situation économique va exiger des prises de décision drastiques et immédiates, qui auront un impact social important. Elles ne doivent et ne peuvent être prises que par ceux qui auront les rênes de la maison dans le futur, en l’occurrence, mon successeur, Alexander Neef, et son directeur adjoint, Martin Ajdari. C’est pourquoi, à partir de janvier 2021, j’ai choisi de m’effacer afin qu’il n’y ait plus qu’un seul patron à bord."
Cette décision semble avoir été prise en concertation avec le ministère de la Culture, qui a annoncé avoir confié à Alexander Neef la mission "de proposer dès l’automne 2020 des orientations pour maintenir l’excellence et le rayonnement de l’Opéra, tout en revisitant son modèle économique, social et organisationnel".
Alexander Neef pas encore prêt à prendre la tête de l’Opéra de Paris
Mais il y a un souci : le principal intéressé, Alexander Neef, ne semble pas avoir été mis au courant du départ anticipé de Stéphane Lissner. En effet, à la suite de cet entretien publié dans Le Monde, le futur directeur de l’Opéra de Paris a fait savoir dans un communiqué son étonnement et a affirmé ne pas avoir été mis au courant de la décision de Stéphane Lissner : "En réponse aux récentes spéculations de médias venues de France sur le fait que le directeur général de la COC a l’intention de quitter ses fonctions avant juillet 2021, M. Neef confirme qu’aucune décision n’a été prise pour l’accélération de la date de départ." Il a ajouté dans ce communiqué qu’un départ anticipé de la direction de la Canadian Opera Company lui semble "difficilement envisageable".
Dans un entretien accordé au quotidien Le Figaro, Alexander Neef semble toutefois avoir assoupli son jugement, et a annoncé : "Jeudi, le ministre m’a confié une nouvelle mission : réfléchir à une refondation de la relation de l’Opéra avec l’État. Je vais donc prendre le premier avion pour Paris après la quarantaine et faire un état des lieux […] C’est une situation toute neuve. Stéphane Lissner et le ministre m’en ont prévenu il y a quelques jours ! Ma succession à Toronto n’est pas réglée, le processus de recherche est en cours. Je respecte la décision de Stéphane Lissner, cela ne m’intéresse pas de la juger, mais il va falloir s’organiser."
Une situation confuse qui n’est pas pour rassurer les travailleurs de l’Opéra de Paris, qui se trouvent actuellement dans l’incertitude face à l’avenir de l’institution. Tout ceci est, comme le dit Camille De Rijck, "assez symptomatique du climat d’insécurité et d’incertitude qui règne dans les institutions culturelles pendant cette crise du coronavirus."