Cinéma

L'interview de Laura Wandel pour son film " Un monde" : " C'est terrible d'être témoin et de ne rien pouvoir faire"

Laura Wandel, la réalisatrice du film " Un monde", au micro d'Hugues Dayez à Cannes.

© RTBF

"Un monde", le premier long métrage de la jeune cinéaste Laura Wandel,  raconte la rentrée scolaire de Nora, qui rejoint l’école où se trouve déjà son grand frère, Abel. Mais très vite, la fillette se retrouve dans une position de témoin : elle découvre que son frère est victime de harcèlement de la part de ses camarades. 

Le film qui a été sélectionné dans la section "Un certain regard" au dernier Festival de Cannes, a marqué les esprits, au point de remporter le Prix Fipresci, le prix de la critique internationale. Et le week-end dernier, il vient de se voir décerner le prix du meilleur premier film au Festival de Londres.

Comment la jeune cinéaste a - t- elle imaginé son film ? Les réponses dans son interview intégrale. 

 

L'interview de Laura Wandel, pour "Un monde"

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L'interview intégrale de Laura Wandel après la présentation du film à Cannes

  • Laura, est-ce que l’origine du film est un souvenir, une chose vue, une scène, une idée, une image ou une thématique ? Quel était le point de départ du film " un monde " ?
  • C’est toujours compliqué de savoir d’où vient exactement l’intuition. J’ai plutôt l’impression que ça vient de la volonté de découvrir un lieu. Alors que sans doute, ça vient plutôt de la volonté sous-jacente d’explorer toute la difficulté d’un processus d’intégration dans une nouvelle communauté et de placer une fratrie au sein de ce problème d’intégration. Mais je pense qu’au départ, oui, ça vient d’un lieu et de souvenirs. Mais j’ai aussi été beaucoup observer dans des cours de récréation de Bruxelles. Comment ça se passe ? Est- ce que les jeux ont évolué ? Parce que les souvenirs c’est bien mais il y a aussi la réalité d’aujourd’hui.
  • Une cour de récréation : est- ce que c'est un champ de bataille ? 
  • C’est un grand besoin d’intégration, un grand besoin de reconnaissance. Certes, c’est quelque chose dont nous avons tous besoin. Mais j'ai choisi de placer ma caméra dans une cour de récréation à cet âge-là parce que c’est le moment où l’enfant sort pour la première fois de la famille, du cocon familial. Il se retrouve confronté à un nouveau microcosme. C’est une nouvelle petite société dont l’enfant doit déchiffrer les codes et dans laquelle il doit s’intégrer.
  • Vous avez aussi choisi de filmer à hauteur des enfants et exclusivement du point de vue de la petite sœur (Nora). Est-ce que cet angle d’attaque est venu très rapidement ?
  • Tout de suite. Dès que j’ai commencé à écrire, j’ai su que je devais rester dans son angle de vue parce que j’avais très envie d’offrir une expérience cinématographique au spectateur et qu’il se sente complètement immergé pour qu’il puisse ressentir tout ce que vit cette enfant. Peut-être que ça lui rappelle comment il était, lui, dans cette cour de récréation et quelles difficultés il a pu rencontrer? Je me suis dit que cette manière de filmer était le meilleur moyen de rester dans cette expérience immersive.
  • On ne va pas déflorer le récit mais vous déjouez énormément les clichés parce que c’est la petite sœur qui est impuissante face au grand frère qui se fait harceler. Est-ce que ça aussi c’était une idée de départ ?
  • Absolument. Ce que j’essaye de mettre en avant c’est que ça n’arrive pas souvent qu’on nous montre le point de vue du témoin. De ce que j’ai pu observer, c’est souvent la position de la victime ou de l’harceleur qui est mise en avant alors que c’est terrible d’être témoin et de ne rien pouvoir faire et d’être tiraillé entre plusieurs possibilités. C’est ce point de vue – là que j’avais envie de mettre en avant.
  • Avec un film comme celui-ci qui met en avant un point de vue bien précis, le casting doit sans doute être déterminant. Comment avez – vous trouvé votre petite actrice ? Combien de visages avez-vous auditionnés ? Comment avez-vous compris que c’est elle qui devait jouer ce rôle ?
  • Il y a un casting qui a été organisé. J’ai vu une centaine d’enfants, ce qui n’est pas encore trop. Ce qui est fou, c’est que Maya est arrivée assez vite et quand elle est entrée dans la salle, elle a dit : " Moi je veux donner toute ma force dans ce film " alors qu’elle n’a que 7 ans. Et là j'ai pensé : " Mais d’où est-ce qu’elle sort ? ". Ce que je demandais aux enfants c’était de me dessiner leur cour de récréation et de m’expliquer les jeux auxquels ils jouaient pour essayer que ça soit le plus naturel possible. Et avec Maya, il s’est dégagé quelque chose d’incroyable et je me suis dit : " ça y est, c’est elle ".
  • Très belle ovation pour cette première séance lors de la section " Un certain regard ". Il n’y a pas eu Cannes l’année dernière. Vous avez attendu. C’était important d’être ici, maintenant, à Cannes, pour un film comme celui-ci ?
  • En raison de la crise sanitaire, les spectateurs n’ont pas pu aller voir le film dans les salles. Cannes c’est vraiment la fée du cinéma, le plus grand événement culturel depuis des mois. Donc oui c’est particulièrement important d’être là aujourd’hui et d’enfin pouvoir montrer mon film.
  • Premier long métrage, vous pouvez concourir à la " Caméra d’or ". Est-ce que dans un coin de son cerveau, on ne peut pas s’empêcher d’y penser ?
  • Bien sûr qu’on y pense ! Mais avoir été sélectionnée dans la section " Un certain regard " c’est déjà énorme ! Alors évidemment la " Caméra d’or " ça serait la cerise sur le gâteau. Je suis vraiment très heureuse d’être ici.
  • Vous l’avez dit : vous avez tourné le film y a deux ans. Maya a grandi. Est-ce que vous avez l’impression que le cinéma l’a changée ? Parce que c’est toujours casse-gueule de jouer avec des enfants … On peut modifier leur destin. Est-ce que vous la retrouvez telle que vous l’avez trouvée ?
  • Oui tout à fait. J’allais souvent la voir parce qu’on a noué un lien très fort. Elle est exactement comme je l’ai toujours connue. Elle a cette persévérance et cette force en elle. Je ne sais pas où elle va les trouver. On verra comment ça se passe pour la suite mais c’est certain qu’on va continuer dans cette voie.

 

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