La Trois

L'interview d'Emilie Dequenne pour le film "Maman a tort"

Emilie Dequenne

© DR

Par Gorian Delpâture - Tellement Ciné via

Emilie Dequenne se glisse dans la peau de Cyrielle qui travaille pour une grande entreprise, dans laquelle sa jeune fille effectue un stage d’observation. "Maman a tort" est une plongée grinçante dans le monde du travail qui révèle avec humour et cynisme les aléas du monde moderne sous les yeux malicieux et plein d’optimisme de la jeune Jeanne Jestin. Ce film est à découvrir le jeudi 15 septembre à 20h40 sur La Trois et Auvio.

Gorian Delpâture : Comment se prépare-t-on au tournage d’un film quand on sait, dès le titre, que l’on n’aura peut-être pas le rôle le plus sympathique de l’histoire ?

Emilie Dequenne : Ben oui, mais en même temps c’est essentiel de parler du fait que les parents sont de vraies personnes qui peuvent se tromper, ils sont humains et c’est essentiel dans l’évolution d’un enfant. Il doit se rendre compte que maman peut avoir tort, papa aussi d’ailleurs, là au demeurant c’est maman.  Avant de penser au titre et à l’histoire, j’étais tellement heureuse de recevoir un scénario de Marc (Fitoussi), car j’ai fait son premier film et c’est agréable d’avoir un réalisateur, un metteur en scène qui a été heureux de travailler avec vous. S’il revient vers vous c’est encore mieux, c’est la preuve qu’il était vraiment content de la collaboration. Évidemment quand j’ai reçu ce scénario, je me suis empressée de le lire, j’étais très curieuse de voir ce que Marc avait pondu.  Quand je l’ai découvert… j’ai vraiment été remuée par cette histoire, c’est extrêmement touchant, même si Marc a un don assez prononcé pour la comédie sans trop y toucher. Il a vraiment sa patte et son style, avec "Maman a tort" il nous plongeait dans un récit chargé en émotions qui m’a bouleversée à la fin de la lecture.  Après, pour le petit clin d’œil, la description qu’il fait de cette adolescente est pertinente à souhait. Dans les petites anecdotes par exemple, son histoire de boisson qu’elle réclame etc… J’avais l’impression de voir ma gamine, donc j’ai vraiment craqué, parce que j’ai trouvé ça très juste. Et puis le personnage de Cyrielle qu’il me proposait m’intéressait. C’est une mère célibataire qui a une relation assez fusionnelle avec sa fille, il y avait une résonnance chez moi. Je ne suis pas une mère célibataire mais en tout cas voilà, je sais ce que c’est d’avoir une fille avec qui on a une vingtaine d’années d’écart, donc ça me parlait particulièrement. Je trouvais que la relation de la mère et de la fille était intelligente, intelligemment racontée en tout cas. Je n’ai pas l’impression que j’ai eue jusqu’à présent de rencontrer ce genre de personnage.  Donc, j’avais envie d’y aller.

Quand vous avez lu le script, vous y avez plus vu une comédie ou une satire sociale ?

Plutôt une satire sociale.  Mais comme j’ai une petite tendance au cynisme… Il y a quelque chose… ce n’est pas cynique, l’humour de Marc n’est pas du tout cynique, mais je trouve que dans les plus grosses peines et les plus grandes difficultés de la vie, il y a toujours la possibilité d’en rire, d’en sourire et je trouve que Marc le fait à merveille. 

Alors il y a plein de choses dans le film, c’est difficile d’aborder tous les thèmes, il y a la relation mère-fille, il y a le regard de l’enfant sur le monde de l’adolescence, sur le monde de l’adulte, il y a les malversations auxquelles peuvent procéder les assurances, quel est le thème principal selon vous de l’histoire ?  Dans tout ce qui existe quelle est la chose que vous feriez surgir du scénario ?

Le thème principal du film… ?  C’est une sorte de parcours initiatique.  Marc a pris le parti de le faire avec une gamine de 14 ans. On a tous eu 14 ans, moi je me sens toujours très proche de qui j’étais à 14 ans, et je trouve qu’il a réussi à nous ramener à une sorte d’origine. Selon moi que ça ne parle pas du tout des assurances, évidemment c’est un prétexte, cette énorme entreprise Sérénita, cette compagnie d’assurances dans laquelle ils travaillent tous, c’est avant tout une société, je pense qu’il s’agit de la société en général. Avoir choisi de la découvrir avec les yeux d’une enfant de 14 ans, c’est un bel effet miroir et c’est une belle gifle que les adultes trop imbriqués dans leur vie en société peuvent se prendre en voyant ce film. 

Jeanne Jestin et Emilie Dequenne
Jeanne Jestin et Emilie Dequenne © DR

Oui, c’est exactement ça, c’est une gifle mais alors justement est-ce que c’est une gifle qui va donner de l’espoir ou qui au contraire va nous dire que c’est presque perdu parce qu’on voit cette petite fille qui va découvrir sa mère sous un autre jour, dans un monde du travail qu’elle idéalisait peut-être et qui va être un peu moins parfait que ce qu’elle imaginait. En tant qu’adulte, peut-on retrouver la magie d’enfance ou l’a-t-on définitivement perdue ?

Personnellement, je le vis de manière plutôt optimiste, je suis optimiste dans l’âme, donc voilà je m’identifie énormément à Anouk quand je vois ce film, plus qu’à Cyrielle. Comme elle, j’ai envie de dire : "Attends, quelque chose d’injuste est en train de se produire", alors on réagit, on fait quelque chose parce que oui, il y a moyen de faire quelque chose.  Dans la vie c’est pas les méchants qui gagnent, c’est les gentils qui doivent gagner, c’est comme ça. Et moi je le pense toujours. C’est très enfantin mais pourtant je trouve que c’est ça la normalité.  Ce n’est pas idéaliste ou utopique, c’est comme ça que ça doit marcher.  La claque que l’on se prend est plutôt une claque de réveil et pas une claque de réprimande. 

Parlez-nous un peu de votre relation avec la jeune Jeanne, qui avait 13 ans lors du tournage. Vous avez un niveau de complicité dans le film que j’ai rarement vu, comment s’est créée cette alchimie entre vous deux ?

C’est facile, j’ai la même à la maison ! (rires) Jeanne Jestin est très différente de ma fille, heureusement d’ailleurs, les enfants ont chacun leur personnalité, mais ceci dit, il y a une sorte d’appartenance, des goûts qui se ressemblent. Une jeune ado de 13 ans, ça ne me fait pas peur.  Ça fait partie de ma vie.  Et puis Jeanne en plus de ça avait déjà une maturité assez forte à l’époque. Ça a été vraiment une belle rencontre, il n’y a rien eu à forcer avec elle, ça s’est fait de manière complètement naturelle. J’ai pris beaucoup de plaisir à tourner avec Jeanne, il y a un truc très beau qui s’est passé avec elle. Elle a commencé ce tournage d’une certaine manière et quand elle a terminé le film, elle avait grandi, il y avait autre chose.  Et forcément, ça avait un effet très réfléchissant sur moi. Lors de mon premier film j’avais 17 ans, comme elle, j’étais de tous les plans et c’était un peu l’énergie motrice de ce tournage. Du haut de ses 14 ans, elle est forcément le moteur de l’équipe, c’est obligatoire, ça m’a renvoyée au tournage de "Rosetta".

Jeanne Jestin
Jeanne Jestin © DR

Pratiquement toutes les scènes se passent dans un bureau, vous n’avez pas eu peur que ce soit lassant à tourner et à regarder, alors qu’en définitive, ce n’est pas le cas ?

Il y a des instants dans la maison, dans le métro, il y a des petits moments où ils sont entre ados à l’école ou en sortie d’immeuble.  Non.  Et puis ça m’a aidé, c’était un petit plus… En plus de ça, comme Jeanne est très présente à l’écran, on était un peu soumis à ses horaires de travail. Du coup on faisait des journées de tournage similaires à des horaires de bureau.  J’avais des journées de 8, 9 heures.  C’était incroyable. Je n’ai jamais connu ça. D’habitude on fait plutôt des journées de 15, 16 heures, donc là 8, 9 heures de travail par jour à Paris, c’était magique. Il n’y avait pas énormément de tournages de nuit en plus, donc je quittais la maison le matin et je rentrais le soir. C’était assez nourrissant pour interpréter Cyrielle.  Si ce n’est que moi j’y allais quand même avec beaucoup plus de gaité et de joie mais voilà…

La vie de bureau, vous ne la connaissez pas forcément, vous êtes actrice depuis votre plus jeune âge, est-ce que vous pensez que ce que l’on voit dans le film est assez réaliste, assez représentatif de ce qui se passe vraiment dans la vie des fonctionnaires par exemple ?

Des fonctionnaires par exemple…ça dépend. Je pense que quelqu’un qui a choisi son travail, qui l’aime, qui se sent à sa place, qui sait se faire respecter, qui ne subit pas de hiérarchie forcée, abusive, je pense que c’est possible d’être heureux au bureau, j’en suis sûre… Maintenant, j’imagine que pour une grande partie des travailleurs, ceux-ci qui en tout cas ont un travail par nécessité et pas forcément celui qu’ils ont choisi ce n’est pas forcément le cas. Donc oui, j’imagine que c’est assez réaliste, surtout au sein d’une énorme entreprise où les individualités sont vraiment mises en avant, enfin j’imagine que ça ne doit pas être simple.  Il vaut mieux être bien dans ses baskets. 

Jeanne Jestin et Emilie Dequenne
Jeanne Jestin et Emilie Dequenne © DR

Le film est évidemment le regard d’une adolescente sur le monde des adultes, pensez-vous que le film se destine à des adolescents qui vont voir ce que peut être le monde des adultes ou plutôt aux adultes qui vont se rappeler comment ils voyaient leur adolescence ?

Les deux, c’est fait pour les deux. Autant pour les adolescents c’est un film qui peut leur plaire, vraiment, Marc démontre quelque chose de très beau dans ce film, c’est très rassurant pour les parents d’ailleurs. Finalement les adolescents sont bien plus posés, plus réfléchis qu’on ne l’imagine, plus autonomes aussi et nous avons tendance à l’oublier nous, les adultes. Ils savent bien ce qu’ils veulent et ils ne se débrouillent pas trop mal.  Même si parfois ils peuvent avoir l’air un peu légers, je trouve qu’ils sont bien plus réfléchis que nous. Il se passe beaucoup de choses à l’adolescence.  Pour toutes ces raisons c’est un film qui peut leur plaire.  Et pour nous adultes, l’intérêt réside dans cette petite piqûre de rappel comme une façon de prendre conscience du monde dans lequel on vit et de se rappeler qu’on peut faire le bien. Voilà. Comme dit Anouk, c’est plus facile de faire… C’est quoi la réplique exactement ?  "Parce que tu penses que c’est facile de faire le bien ? Oui, enfin, c’est surtout plus facile de ne rien faire". Une phrase du genre. Faire ce qu’on peut, c’est déjà beaucoup mieux que de ne rien faire. 

Finalement " Maman a tort " mais les enfants ont toujours raison. 

Non, pas toujours. 

L'interview intégrale d'Emilie Dequenne pour "Maman a tort"

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