Les études de l'OCDE montrent globalement que, dans les pays industrialisés, les migrants paient plus d'impôts et de cotisations sociales qu'ils ne reçoivent d'allocations. En Allemagne, par exemple, le Centre pour la recherche économique européenne (ZEW) a calculé qu’en 2012, les 6,6 millions d’étrangers non naturalisés vivant dans le pays ont généré un surplus de 22 milliards d’euros pour les caisses de l’État, soit "en moyenne un excédent de 3300 euros d’impôts et de cotisation sociales par personne", selon le Süddeutsche Zeitung (cité dans Courrier International du 4 décembre 2014). La contribution des immigrés au PIB serait positive de 0,6 points.
Mais les clichés ont la vie dure, comme ce cliché qui veut que les immigrés prendraient nos emplois. "Les gens sont convaincus qu’avec l’arrivée d’immigrés en Belgique, ils vont devoir partager le gâteau avec eux, explique Abdeslam Marfouk, économiste à l'Iweps, l’Institut wallon de l’évaluation, de la prospective et de la statistique. Ils n’envisagent donc que l’offre de travail disponible, mais ils ne pensent pas qu’avec cette immigration, en fait, la taille du gâteau va augmenter, parce que les immigrés sont aussi des consommateurs, des entrepreneurs parfois. On l’ignore souvent mais il y a une proportion significative d’immigrés qui deviennent des entrepreneurs indépendants, qui créent leur propre emploi et parfois d’autres emplois qui seront occupés par d’autres immigrés ou par des Belges."
La question du chômage
Cela dit, il est vrai que les travailleurs immigrés, en ce compris leurs descendants de deuxième voire de troisième générations, sont globalement plus frappés par le chômage que les Belges de souche, notamment à cause de discriminations récurrentes sur le marché de l'emploi.
Début 2013, par exemple, une étude de l’OCDE montrait qu’en Belgique une personne d’origine étrangère a 2,6 fois plus de "chances" de se retrouver au chômage qu’une personne née en Belgique. Un des plus mauvais scores des pays industrialisés. En tout état de cause, il y a là un potentiel humain inexploité qui, non seulement a un impact négatif sur la croissance économique, mais, en outre, amplifie le malaise social et, bien sûr, nourrit les préjugés racistes.
L’impact sur les pays d’origine des migrants
C’est une question importante dans le débat sur les migrations : en accueillant chaque année des centaines de milliers d’immigrés, notamment des gens qualifiés (médecins, infirmières, ingénieurs, etc.), les pays industrialisés ne risquent-ils pas de priver les pays d'origine de ces migrants d'une main-d’œuvre dont ils ont besoin pour leur propre développement ?
Là aussi, les études économiques se font plus nuancées. Car, comme l'explique Abdeslam Marfouk, il y a des effets retour très importants pour les pays d'origine des migrants : "Quand ils quittent leur pays, ils ne coupent pas les ponts. Il y a toute une série d’effets retour qui bénéficient au pays d’origine, notamment - mais pas seulement - les transferts financiers. En 2013, ces transferts représentaient environ 400 milliards de dollars dans le monde. Et ces transferts ont un impact énorme sur la réduction de la pauvreté dans les pays en voie de développement, sur l’éducation des filles et des garçons, sur leur scolarité."
Autre transfert, un peu différent, les immigrés et leurs descendants retournent régulièrement au pays pour rendre visite à leur famille ou tout simplement en touristes. Passez quelques heures à Tanger au Maroc en été, vous serez surpris du nombre de véhicules avec des plaques d'immatriculation belges. Sans oublier que des flux d'affaires parfois importants vont se développer entre le pays d'accueil et le pays d'origine au travers de la diaspora.
Michel Gassée