L'histoire des Protest Songs

Bob Dylan, 1963

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À l'occasion des 50 ans de la mort de Martin Luther King, le 4 avril prochain et des 50 ans de Mai 68, retour sur l'histoire des Protest Songs, ces chants de révolte, ces chansons engagées ou contestataires.

Eclairage avec :

- Jacques Vassal, journaliste français, auteur de nombreux livres sur la chanson américaine et française (Brassens, de Brel, Ferré, Bob Dylan, Leonard Cohen, Woody Guthrie...) mais aussi traducteur en français (de Woodie Guthrie principalement). Il publiera en juin prochain le premier livre d’entretiens avec Graeme Allright au Cherche Midi.

- Olivier Corten, professeur en droit international à l'ULB

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Comment définir une Protest Song ?

C'est une chanson supposée incarner un certain mouvement de rébellion ou d'opposition, à l'encontre de l'autorité ou pour faire pression sur l'autorité. 

Les Américains ont souvent utilisé le terme de Topical Songs, ou chansons à thème d'actualité. Certaines sont aussi des chansons journalistiques, qui expliquent des faits scandaleux : répression policière, manifestation raciste ou militaire... La lutte contre les engagements militaires fait effectivement partie des thèmes souvent utilisés en chansons, comme la guerre du Vietnam aux USA, la guerre d'Algérie en France ou déjà les guerres napoléoniennes.

"Il y a de tous temps et partout des gens qui se révoltent contre l'ordre établi, contre l'autoritarisme des Etats et qui utilisent la chanson pour le dire. C'est populaire, c'est une expression orale à la fois parlée et chantée", explique Jacques Vassal. Il est difficile d'appréhender le sens exact de certaines de ces chansons dans un pays différent du nôtre. Car même si on comprend la langue, les paroles, nous ne connaissons pas toujours le contexte dans lequel elles s'expriment, même si elles sont d'actualité." 

Dans ses cours de droit international, Olivier Corten commence toujours par une chanson, ce qui lui permet d'introduire des thématiques. "Dans les Protest Songs, on retrouve des thématiques contre la lutte contre la guerre, le droit à l'auto-détermination, les droits de l'homme... On n'y trouve pas de grand raisonnement. Le style ne s'y prête pas mais la dénonciation peut être parfois très subtile, comme dans la chanson 'Washington Bullets' des Clash, qui associe la non-intervention et les droits de l'homme."

Beaucoup de chansons utilisent l'humour, le second degré, leurs auteurs faisant parler des gens dont ils n'endossent pas le point de vue pour montrer qu'ils s'en détachent. Certaines chansons ont un point de vue existentiel et philosophique, mais livrent cependant une critique de la société, comme It's all right Ma, I'm only bleeding de Bob Dylan en 1965. "Il ne veut pas se contenter d'une société soumise et conformiste. C'est anarchiste et surréaliste à la fois, plus politique que ça n'en a l'air", explique Jacques Vassal.

Joan Baez, We shall overcome, 1963
Joan Baez, We shall overcome, 1963 © Tous droits réservés

Les années 60, époque bénie des Protest Songs

C'est une époque particulière de l'histoire moderne des Etats-Unis et du monde, où l'état d'esprit de guerre froide existait encore entre le bloc occidental et le bloc communiste, où il y avait des guerres coloniales, où une jeunesse étudiante arrivait à l'âge des contestations, où on se trouvait des porte-parole pour exprimer certains idéaux.

Exemples de Protest Songs :

John Lennon et Yoko Ono 'Give peace a change'
Joan Baez 'We shall overcome'
Bob Dylan 'Masters of War'
The Clash 'Charlie Don't Surf'
En France, Boris Vian 'Le Déserteur'
Billy Brack 'Between the Wars', contre Thatcher
ou plus tard Bruce Springsteen qui chante contre Bush junior...

L'histoire des Protest Songs

La contestation ne se fait pas toujours au nom du droit et se fait même parfois contre les règles du droit, comme l'Internationale, chanson contestataire de 1871.

"Il y a un couplet assez juridique qui propose de mettre à bas l'ordre établi, le droit bourgeois. On conteste le droit, qui est le discours du pouvoir. Par définition, on ne veut plus respecter les lois, qu'on trouve injustes. Mais dès qu'on a gagné, on édicte soi-même de nouvelles règles de droits. Il y a cette ambivalence qu'on retrouve dans l'Internationale ou dans des chansons autour des droits civiques, qui invoquent le droit mais pour changer le droit, explique Olivier Corten.

Les chansons ne sont pas contestataires que par le texte

L'attitude peut l'être aussi. Comme Massive Attack, dont les paroles ne sont pas directement protestataires mais qui met en scène, lors des concerts, des light shows assez directs et explicites, par exemple contre la guerre d'Irak.

"Il y a une liberté d'expression qui permet d'aller, en chanson ou dans l'art, un peu plus loin que si on le faisait au premier degré", précise Olivier Corten.

Dans la chanson contestataire, il y a plusieurs degrés possibles de militantisme, radical, révolutionnaire. Et il y a aussi des chansons réformistes, qui voudraient améliorer le sort des citoyens sans mettre à mal le fondement de la société. Les chansons contre la ségrégation raciale, par exemple, montraient qu'il était illégal de mettre des catégories de citoyens à part, mais ne visaient pas à mettre par terre le système, explique Jacques Vassal. Et certaines chansons ne veulent plus rien dire si on les sort de leur contexte, comme 'If I had a hammer' de Pete Seeger et Lee Hays, reprise par Claude François avec 'Si j'avais un marteau'.

Aujourd'hui, le rap est une musique contestataire, où on ne chante pas des notes mais où on dit sur un rythme. Il a pour ancêtre le dub jamaïcain, et avant cela le talking blues inventé par des bluesmen noirs vers 1920-1930, abondamment utilisé par Woody Guthrie, par Bob Dylan dans sa jeunesse et par d'autres chanteurs de folk. 

Ce qui est important, c'est qu'on puisse comprendre les paroles et réfléchir, se positionner.

Une chanson ne peut pas changer le monde mais je ne serais pas un homme si je ne l'avais pas écrite, disait Tom Paxton. Je vous aide à réfléchir sur le monde en quelque sorte.

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