Milieu d’après-midi à Bruxelles, un grand blond aux chaussures noires s’engouffre dans un hôtel par la porte tambour de l’entrée principale. Quelques instants plus tard, il réapparaît de l’autre côté du bâtiment via une porte de garage, méconnaissable. Le grand blond aux chaussures noires est désormais coiffé d’une capuche et chaussé de baskets bleues.
L’homme est un agent de la Sûreté de l’Etat. Sous le regard attentif mais discret d’un formateur de l’agence de renseignement, il s’exerce à semer une personne potentiellement hostile avant d’aller au contact d’un informateur prêt à communiquer des données sensibles.
Il y a des caméras, donc ne lève pas la tête
L’exercice est réussi. S’enfonçant dans les ruelles très fréquentées du quartier, les agents du service de renseignement discutent : " Le choix du lieu pour changer de silhouette était idéal, avec plusieurs possibilités de route à la sortie du bâtiment ". Point d’attention tout de même : " Il y a des caméras, donc évite de lever la tête pour ne pas t’exposer inutilement ", rappelle le formateur.
L’agent qui s’exerce, déjà fort d’une certaine expérience dans le service, poursuit sa mission fictive dans un parc. Il retrouve son informateur sur un banc. Les deux hommes tiennent un petit sac en papier d’une chaîne bien connue de café et de restauration rapide. Discrètement, les sacs circulent de main en main. Tout cela doit passer complètement inaperçu. Pour l’exercice, les sachets ne contiennent que des sandwichs et des bouteilles d’eau mais dans la réalité, ils pourraient renfermer des documents confidentiels, un téléphone pour communiquer ou de l’argent en échange d’informations.
Le renseignement entre impératif de discrétion et besoin de visibilité
" La source court un risque ", explique l’agent. " Nous mettons donc en place des techniques qui permettent de se voir ou de se transmettre des éléments de manière discrète. " Selon le formateur, un bon agent de renseignement " doit pouvoir être brillant dans l’instant puis gris la minute suivante. Rien n’est plus invisible que le gris et ne pas être vu est parfois un avantage tactique ".
La discrétion est dans l’ADN des services de renseignement. Un impératif. Alors pourquoi la Sûreté de l’Etat nous a-t-elle permis d’assister à l’exercice en montrant certaines techniques, certes de manière extrêmement limitée et avec une demande d’anonymisation des intervenants ? Parce que le service civil de renseignement et de sécurité belge recrute. Entre impératif de discrétion et nécessité de se faire connaître auprès du public et donc de potentiels candidats, l’agence de renseignement cherche l’équilibre, suscitant des débats en interne.
La Sûreté de l’Etat doit recruter
La Sûreté de l’État lance ce mercredi la plus grande campagne de recrutement de son histoire en vue de constituer une réserve de 1500 candidats inspecteurs. Le service de renseignement recherche 750 francophones et 750 néerlandophones pour sa réserve de recrutement. Selon l’administrateur général adjoint du service, les besoins sont criants. Pascal Pétry affirme que le contre-espionnage, par exemple, a souffert du manque de personnel. " On a dû beaucoup travailler sur le contreterrorisme et on a dû un peu laisser de côté l’espionnage. Bruxelles est une capitale avec de nombreuses institutions internationales et représentations diplomatiques. Cela intéresse donc les espions. Contrôler cela est une mission légale de la Sûreté de l’Etat. "