Economie

L'euro plonge sous 1,01 dollar, faut-il s’inquiéter de sa faiblesse ?

Va-t-on vers une parité entre le dollar et l’euro ?

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Par Alain Lechien avec Sandro Calderon

Le cours de l’euro a chuté face au dollar US : la monnaie européenne est au plus bas depuis une vingtaine d’années. Ce jeudi un euro valait 1,02 dollar : c’est du jamais vu depuis décembre 2002. Lors de son introduction le 4 janvier 1999, l’euro valait 1,17 dollar. Le 15 juillet 2008, l’euro a valu son taux le plus élevé : 1,60 dollar.

L’évolution du cours du dollar par rapport à l’euro
L’évolution du cours du dollar par rapport à l’euro © European Central Bank

Alors que la croissance ralentit en Europe et que l’inflation atteint des records, faut-il s’inquiéter de la faiblesse de l’euro ? Depuis le début de l’année 2022, l’euro a perdu près de 10% de sa valeur face au dollar. Si la chute se poursuit, on pourrait arriver à une parité : 1 euro est égal à 1 dollar. Cela rappelle les taux de change enregistrés en février 2000 et en juillet 2002.

La guerre en Ukraine est certainement une des causes de cette chute de l’euro : le conflit a accéléré la hausse des prix de l’énergie et de l’électricité, ce qui alimente l’inflation. La guerre a aussi a freiné la reprise post-pandémie, et la récession menaceL’économiste Bruno Colmant, professeur à l’ULB, explique que, "pour combattre l’inflation, la Banque centrale européenne (BCE) souhaitait augmenter ses taux d’intérêt, mais malheureusement les indices de confiance les plus récents montrent qu’on rentre en récession, ce qui fait que la BCE ne pourra quasiment pas les augmenter, au risque d’aggraver cette récession". Cela a pour conséquence de privilégier le dollar face à l’euro. Selon lui, "nous allons entrer dans une combinaison d’inflation et de récession : la demande va baiser mais les entreprises vont voir leur compétitivité baisser. Ces éléments appréhendés par les marchés font que l’euro est une devise un peu délaissée par rapport au dollar".

Selon Bruno Colmant, un autre facteur s’ajoute : le dollar est soutenu par la Banque centrale américaine ("Fed", ou Réserve fédérale) : "Les Etats-Unis sont quasiment en situation de plein-emploi et sont presque autosuffisants d’un point de vue énergétique. Et donc, aux Etats-Unis pour combattre l’inflation naissante, on peut augmenter les taux d’intérêt avec un certain degré de réussite. La situation en Europe est différente parce que nous avons de l’inflation et de la récession, mais nous sommes loin d’être au plein-emploi et donc, même si on augmentait les taux d’intérêt, ça ne pourrait pas être dans la même proportion qu’aux Etats-Unis. Donc, structurellement il y a une différence de taux d’intérêt qui s’établit entre les Etats-Unis et l’Europe, les taux américains étant plus élevés que les taux européens, cela conduit naturellement à une appréciation du dollar par rapport à l’euro".

Quelles sont les conséquences de cette chute de l’euro face au dollar pour les entreprises et les citoyens belges ?

Selon Bruno Colmant, "pour les entreprises européennes, la chute de l’euro face au dollar a d’abord un impact favorable pour celles qui exportent : une devise qui est plus faible permet de plus exporter dans des zones hors euro. Mais par contre tout ce qui est importé et libellé en devises autres que l’euro augmente en valeur". C’est le cas de l’énergie, en particulier les produits pétroliers. Cela a un impact négatif pour les entreprises, mais aussi pour les ménages.

Que peut faire la BCE ?

Selon lui, "la BCE est dans une situation extrêmement périlleuse. Elle n’a pas beaucoup le loisir d’augmenter les taux d’intérêt parce qu’elle est la première créancière des Etats européens. Ces derniers lui ont vendu une grande partie de leur dette et toute augmentation des taux d’intérêt pénalise les Etats. De plus toute hausse des taux d’intérêt risque d’aggraver la récession, puisque le coût d’emprunt des entreprises et des ménages va augmenter. Si la BCE ne peut pas agir, alors le vrai débat de l’inflation se fait au niveau de chacun des pays, qui devraient prendre des dispositions au niveau national pour combattre l’inflation", selon lui.

Edward Roosens, l’économiste en chef de la FEB (Fédération des entreprises de Belgique) ajoute que la faiblesse de l’euro ajoute "une nouvelle couche aux hausses de coût pour nos entreprises. D’un autre côté, ça rend un peu meilleur marché nos produits sur les marchés en dollar. Mais 70% de nos exportations se font en Europe en euro."

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