1903, Fortuné Henry débarque à Aiglemont avec son chien, une pelle et un maigre bagage. Il vient d'acheter une parcelle de terre réputée ingrate pour y installer son utopie : L'Essai, une colonie libertaire, un endroit où l'on ne travaillerait pas par force mais par raison, pour l'humanité et montrer combien l'autorité est irrationnelle et immorale. Vaste programme d'abord regardé avec méfiance par les habitants de ce petit coin d'Ardenne. Bientôt rejoint par des amis et sympathisants de passage, l'Essai va petit à petit se développer, la cabane des origines cédant la place à une maison plus grande puis une autre, ce seront finalement 20 habitants qui rejoindront la colonie.
Remarquable travail que celui de Nicolas Debon dans l'évocation de cette utopie ardennaise. Il parvient à rendre le caractère austère et déterminé d'un Fortuné qui contre sa volonté, devient le chef de la communauté, lui qui renie toute forme d'autorité. Son caractère entier ne souffrant pas les doutes de ses camarades, il écrira lui-même dans "Le Libertaire" : "Il est passé à Aiglemont, comme d’ailleurs il est passé et passera dans toutes les tentatives libertaires, à côté des éléments sédentaires, des philosophes trop philosophes, des camarades ayant préjugé de leurs forces et de leur volonté, des partisans d’absolu, des paresseux, des estampeurs croyant avoir trouvé le refuge rêvé, enfin des malhonnêtes moralement parlant". Ses prises de positions radicales finiront par l'envoyer en prison, loin de sa chère utopie qui s'éteindra d'elle-même.