Thérèse Scheirmann a l'esprit à la fête. En ce 27 janvier, elle s'est levée tôt, s'est pressée pour sortir de chez elle. Au magasin du coin, la mère de famille achète des oeufs, de la farine et du lait. Le gâteau sera bientôt prêt, son mari ne sera plus très long. Leurs deux enfants eux aussi sont impatients. Les minutes passent, et puis les heures. Ce matin-là, l'attente devient fébrile. Quand la sonnette retentit à la porte, Thérèse tombe sur un marin en uniforme. Il informe pudiquement Thérèse que son mari "aurait du retard". Thérèse comprend qu'elle ne reverra jamais Jules. Jules allait fêter ses 29 ans le 27 janvier 1968.
Comme 51 autres de ses compagnons d'infortune, le marin a été porté disparu en mer. Le sous-marin militaire dans lequel ils avaient embarqué n'a jamais été retrouvé. La Minerve, en exercice à une trentaine de kilomètres de Toulon, avait coulé en quatre minutes, seulement. Malgré les opérations de secours entreprises très vite, l'épave n'a jamais été localisée. Les années passent. Thérèse s'installera dans un modeste pavillon de Toulon, entourée des photos de son défunt mari. Pendant 50 ans, les suppositions les plus folles alimenteront les chroniques autour de la disparition du sous-marin : un problème avec les Russes ?, un abordage violent ? Encore aujourd'hui, Thérèse estime que ces théories censées expliquer l'accident ont fait souffrir, comme la sienne, la plupart des familles. Tout piétine, le sentiment que les 52 marins ont été un peu abandonnés.