Nouvelle tuile pour la prolongation des réacteurs de Doel 1 et 2 : le Conseil d’État a examiné l'un des projets de loi qui encadre cette prolongation de 10 ans.
L'avis rendu est assez sévère vis-à-vis de ce texte qui fixe la redevance que devra verser Electrabel à l’État belge en contrepartie de la prolongation des deux réacteurs nucléaires.
Ce texte déposé par la ministre Marie-Christine Marghem doit couler dans une loi le cadre fiscal balisé par la fameuse convention passée avec Electrabel. Le projet de loi prévoit une redevance annuelle de 20 millions d'euro à charge d'Electrabel pendant toute la durée de la prolongation des réacteurs nucléaires, soit jusqu'en 2025.
Des aides d’État déguisées?
Mais le texte détaille aussi certaines indemnités que l’État belge devrait verser à Electrabel si les réacteurs de Doel 1 et 2 devaient être arrêtés avant le délai de 2025 pour des raisons autres qu'une décision de l'Agence Fédérale de Contrôle Nucléaire (AFCN).
Pour le Conseil d’État, cette disposition s'apparente à une couverture de "certains risques économiques pris par l'opérateur".
Selon l'avis du Conseil d’État, cette prise en charge des risques économiques s'apparente en fait à une aide d’État. "Cette disposition se heurte aux prescriptions de droit européen dans le domaine des aides d’État".
En d'autres termes, il y a un risque de concurrence déloyale entre producteurs d'énergie puisque le gouvernement fédéral est prêt à couvrir un risque économique pour Electrabel qu'il ne couvrirait pas pour d'autres producteurs.
Des questions sur le montant de la redevance
En plus de cette remarque embarrassante pour le gouvernement fédéral, le Conseil d’État se pose des questions sur la façon dont le montant de la redevance a été calculé, redevance que le Conseil d’État recommande d'ailleurs de qualifier de "taxe".
Pour le Conseil d’État, il n'est pas établi clairement que la redevance de 20 millions d'euros est bien une somme globale due pour l'exploitation des deux réacteurs. La juridiction recommande donc de l'indiquer comme tel.
La juridiction se pose par exemple la question "de savoir sur base de quels éléments le montant (de 20 millions, ndlr) a été fixé".
Il pointe aussi une différence de traitement entre la redevance fixée pour la prolongation de Tihange 1 et celle fixée pour les réacteurs de Doel 1 et 2. "Le Conseil d’État ne perçoit pas d'emblée comment on peut justifier la distinction entre l'approche forfaitaire dans le cas à l'examen et le mode de calcul de la contribution annuelle pour la centrale nucléaire de Tihange 1 (fixé de manière proportionnelle au bénéfice perçu par Electrabel, ndlr)."
"Un risque juridique énorme"
Pour le chef de groupe Ecolo à la Chambre, la ministre de l’Énergie prend un risque juridique énorme. "Elle le sait. Mais elle est entêtée", réagit Jean-Marc Nollet.
Pour Jean-Marc Nollet il conviendrait que Marie-Christine Marghem amende son texte pour écarter tout risque d'aide d’État. "Mais le gouvernement fédéral est pieds et poings liés avec Electrabel", avance le chef de groupe Ecolo à la Chambre.
Si la ministre choisit de maintenir son projet de loi sans tenir compte des remarques du Conseil d’État, Jean-Marc Nollet estime que le gouvernement devra le soumettre à la Commission Européenne. "Si la Commission Européenne confirme qu'il s'agit d'une aide d’État, le projet doit être repensé depuis le début", conclut Jean-Marc Nollet.
Marie-Christine Marghem n'entend pas réagir pour l'instant à cet avis du Conseil d’État. Son cabinet nous fait savoir que la ministre souhaite réserver la primeur de sa justification aux parlementaires. Marie-Christine Marghem répondra aux questions des députés en commission à la Chambre le 12 janvier.