C’est une journée "historique", selon le quotidien argentin Clarin. L’Argentine, de tradition catholique, est devenue le premier grand pays d’Amérique latine à légaliser l’avortement.
L’issue du vote restait incertaine jusqu’au bout. Le Sénat étant réputé pour être bien plus conservateur que l’Assemblée des députés qui eux ont approuvé le texte il y a deux semaines. Finalement, après un débat-marathon, les sénateurs ont adopté la loi qui légalise l’interruption volontaire de grossesse en Argentine jusqu’à quatorze semaines de grossesse, et sans raisons médicales ou judiciaires, avec 38 voix pour, 29 contre et une abstention.
"Cette loi n’oblige pas à avorter, elle ne promeut pas l’avortement, elle lui donne seulement un cadre légal", a déclaré au cours des débats le sénateur membre de la majorité Sergio Leavy. Au moins deux sénateurs qui avaient voté contre en 2018 avaient annoncé qu’ils voteraient cette fois pour, ce qui donnerait un léger avantage au camp du oui.
L’aboutissement d’un combat féministe
Ce vote est l’aboutissement de 20 ans de combat sans relâche des organisations féministes. "Nous l’avons fait, mes sœurs. Nous avons fait l’histoire. Nous l’avons fait ensemble. Il n’y a pas de mots pour décrire ce moment, il passe par le corps et l’âme", a tweeté Monica Macha, membre de la majorité de centre-gauche.
"Plus jamais une femme ne sera tuée lors d’un avortement clandestin", a déclaré à la presse Vilma Ibarra, Secrétaire d'Etat en charge des relations avec le Parlement, qui a participé à la rédaction de la loi. Selon le ministère de la Santé, plus de 3000 femmes sont mortes des suites d’un avortement clandestin entre 1983 et 2018.
Le président de centre gauche Alberto Fernandez, au pouvoir depuis fin 2018, a également réagi à ce vote : "L’avortement sûr, légal et libre fait loi. Aujourd’hui, nous sommes une société meilleure qui élargit les droits des femmes et garantit la santé publique". Alberto Fernandez avait promis pendant sa campagne de soumettre à nouveau la légalisation de l’IVG aux parlementaires. "Je suis catholique, mais je dois légiférer pour tous, c’est un sujet de santé publique très sérieux", avait-il déclaré récemment.
Des milliers de personnes rassemblées devant le Sénat à Buenos Aires ont accueilli le résultat du vote avec des cris de joie. Dans la foule, il y avait aussi des opposants "C’est extrêmement triste qu’un pays approuve la mort de personnes innocentes. C’est un pays qui ne me représente plus", a réagi Valeria Karn, militante anti-avortement. Le pape François, argentin, avait fait part de l’opposition de l’Eglise dans un tweet avant le débat : "Le fils de Dieu est né dans le rejet pour nous dire que toute personne rejetée est un enfant de Dieu".