Les jeunes en savent trop peu sur les questions d’argent : c’est un des nombreux constats qui ressort d’un sondage publié par Febelfin, l’organisation patronale du secteur financier. La moitié des 15-30 ans se dit incapable de gérer un budget et ne sait pas trop comment fonctionnent les impôts et le crédit. Pour parler à ces jeunes, Febelfin a créé un site Internet — financesetmoi.be — avec des témoignages d’influenceurs, dont celui de la jeune Badfifi : "Il est super important de parler d’argent parce que les jeunes aujourd’hui, on dépense trop d’argent. Du coup, je vais raconter mon histoire avec ma première paye. J’ai commencé à travailler à 14 ans et ma première paye c’était n’importe quoi. Je sortais, j’achetais du maquillage, je faisais n’importe quoi et j’avais zéro argent".
Tabou
S’il y a un "tabou" au sujet de l’argent, ce serait plutôt au niveau des parents. C’est en tout cas la perception qu’a Laurie Francq, qui travaille au centre de référence du Hainaut pour le surendettement. Elle va régulièrement dans les écoles pour faire des animations qui sont destinées à sensibiliser les ados aux questions d’argent : "De manière générale, ce n’est pas compliqué de parler d’argent avec eux, ce n’est pas tabou. Quand ça l’est, c’est plutôt au sein de la sphère familiale, où ils disent : 'non, je ne sais pas trop que ce que gagnent mes parents, on n’en parle pas vraiment à la maison, je ne sais pas ce qu’il se passe au niveau des dépenses'. Mais au sein de l’école en tout cas, dans la classe, ce n’est pas tabou".
Mais, dit-elle, ça ne veut pas dire qu’il n’y a pas de tabou du tout en lien avec la situation financière de la famille, nuance. C’est un constat que partage François Deblander, coordinateur du service information d’Infor Jeunes à Bruxelles. Quand ils viennent avec leurs questions, dit-il, les jeunes ne parlent pas directement d’argent : "Ils arrivent avec d’autres questions, d’autres problèmes, et en creusant, on arrive finalement à des soucis d’argent. Mais c’est rarement leur manière d’entrer en matière". Selon lui, les jeunes abordent beaucoup de problématiques : "Par exemple, hier j’ai eu un jeune qui est venu avec des questions de formation, trouver une formation, et en creusant, on se rend compte que l’accès à la formation pose plusieurs problèmes : situation administrative et problème de ressources, plus de logement, plus de ressources. Et on en vient donc finalement à parler des moyens d’accéder à une aide au CPAS".
Précarité
Au fond, ce qui relève plus du tabou chez les jeunes que rencontrent Laurie Francq et François Deblander, ce n’est pas tellement l’argent en tant que tel, mais c’est plutôt la précarité et la situation sociale de la famille. Il y a une corrélation entre les difficultés financières d’un jeune — ou d’un moins jeune d’ailleurs — et le manque de connaissances initiales sur l’argent, mais attention, il n’y a pas que les lacunes dans l’éducation financière pour expliquer les difficultés financières de certains ménages, loin de là, selon Laure Francq : "On se rend effectivement compte que le fait d’avoir un manque d’éducation financière a un impact, mais ce n’est malheureusement pas le seul et il y a des causes sur lesquelles on n’a pas d’influence, comme le fait de ne pas avoir un revenu de base pour subvenir à ses besoins. On peut dire à la personne de chercher du boulot, mais on sait tous que ce n’est pas aussi simple que ça. Il y a aussi la cause de l’accident de vie — le décès, la perte d’emploi, la maladie — et ce sont des causes sur lesquelles on n’a pas d’influence".
L’insuffisance des ressources est un facteur déclencheur des difficultés financières dans plus de 40% des cas — chiffres de l’Observatoire du crédit et de l’endettement. Les accidents de la vie, 37%. Quant aux difficultés de gestion, elles se retrouvent tout de même dans environ un cas sur quatre.